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466 Distribution géographique.  

immigrant, venu des eaux d’une contrée étrangère, a plus de chances de s’emparer d’une place nouvelle que s’il s’agissait d’une forme terrestre. Il faut encore se rappeler que bien des productions d’eau douce sont peu élevées dans l’échelle de l’organisation, et nous avons des raisons pour croire que les êtres inférieurs se modifient moins promptement que les êtres supérieurs, ce qui assure un temps plus long que la moyenne ordinaire aux migrations des espèces aquatiques. N’oublions pas non plus qu’un grand nombre d’espèces d’eau douce ont probablement été autrefois disséminées, autant que ces productions peuvent l’être, sur d’immenses étendues, puisqu’elles se sont éteintes ultérieurement dans les régions intermédiaires. Mais la grande distribution des plantes et des animaux inférieurs d’eau douce, qu’ils aient conservé des formes identiques ou qu’ils se soient modifiés dans une certaine mesure, semble dépendre essentiellement de la dissémination de leurs graines et de leurs œufs par des animaux et surtout par les oiseaux aquatiques, qui possèdent une grande puissance de vol, et qui voyagent naturellement d’un système de cours d’eau à un autre.

LES HABITANTS DES ÎLES OCÉANIQUES.

Nous arrivons maintenant à la dernière des trois classes de faits que j’ai choisis comme présentant les plus grandes difficultés, relativement à la distribution, dans l’hypothèse que non seulement tous les individus de la même espèce ont émigré d’un point unique, mais encore que toutes les espèces alliées, bien qu’habitant aujourd’hui les localités les plus éloignées, proviennent d’une unique station — berceau de leur premier ancêtre. J’ai déjà indiqué les raisons qui me font repousser l’hypothèse de l’extension des continents pendant la période des espèces actuelles, ou, tout au moins, une extension telle que les nombreuses îles des divers océans auraient reçu leurs habitants terrestres par suite de leur union avec un continent. Cette hypothèse lève bien des difficultés, mais elle n’explique aucun des faits relatifs aux productions insulaires. Je ne m’en tiendrai pas, dans les remarques qui vont suivre, à la seule question de la dispersion, mais