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554 Récapitulation et conclusions.  

sure le caractère de variétés, car elles diffèrent moins les unes des autres que ne le font les espèces des genres plus petits. Les espèces étroitement alliées des grands genres paraissent aussi avoir une distribution restreinte, et, par leurs affinités, elles se réunissent en petits groupes autour d’autres espèces ; sous ces deux rapports elles ressemblent aux variétés. Ces rapports, fort étranges dans l’hypothèse de la création indépendante de chaque espèce, deviennent compréhensibles si l’on admet que toutes les espèces ont d’abord existé à l’état de variétés.

Comme chaque espèce tend, par suite de la progression géométrique de sa reproduction, à augmenter en nombre d’une manière démesurée et que les descendants modifiés de chaque espèce tendent à se multiplier d’autant plus qu’ils présentent des conformations et des habitudes plus diverses, de façon à pouvoir se saisir d’un plus grand nombre de places différentes dans l’économie de la nature, la sélection naturelle doit tendre constamment à conserver les descendants les plus divergents d’une espèce quelconque. Il en résulte que, dans le cours longtemps continué des modifications, les légères différences qui caractérisent les variétés de la même espèce tendent à s’accroître jusqu’à devenir les différences plus importantes qui caractérisent les espèces d’un même genre. Les variétés nouvelles et perfectionnées doivent remplacer et exterminer inévitablement les variétés plus anciennes, intermédiaires et moins parfaites, et les espèces tendent à devenir ainsi plus distinctes et mieux définies. Les espèces dominantes, qui font partie des groupes principaux de chaque classe, tendent à donner naissance à des formes nouvelles et dominantes, et chaque groupe principal tend toujours ainsi à s’accroître davantage, et, en même temps, à présenter des caractères toujours plus divergents. Mais, comme tous les groupes ne peuvent ainsi réussir à augmenter en nombre, car la terre ne pourrait les contenir, les plus dominants l’emportent sur ceux qui le sont moins. Cette tendance qu’ont les groupes déjà considérables à augmenter toujours et à diverger par leurs caractères, jointe à la conséquence presque inévitable d’extinctions fréquentes, explique l’arrangement de toutes les formes vivantes en groupes subordonnés à d’autres groupes, et tous compris dans un petit nombre de grandes classes, arrangement qui a