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  Récapitulation. 557

c’est qu’on n’ait pas observé encore plus de cas du défaut de la perfection absolue.

Les lois complexes et peu connues qui régissent la production des variétés sont, autant que nous en pouvons juger, les mêmes que celles qui ont régi la production des espèces distinctes. Dans les deux cas, les conditions physiques paraissent avoir déterminé, dans une mesure dont nous ne pouvons préciser l’importance, des effets définis et directs. Ainsi, lorsque des variétés arrivent dans une nouvelle station, elles revêtent occasionnellement quelques-uns des caractères propres aux espèces qui l’occupent. L’usage et le défaut d’usage paraissent, tant chez les variétés que chez les espèces, avoir produit des effets importants. Il est impossible de ne pas être conduit à cette conclusion quand on considère, par exemple, le canard à ailes courtes (microptère), dont les ailes, incapables de servir au vol, sont à peu près dans le même état que celles du canard domestique ; ou lorsqu’on voit le tucutuco fouisseur (cténomys), qui est occasionnellement aveugle, et certaines taupes qui le sont ordinairement et dont les yeux sont recouverts d’une pellicule ; enfin, lorsque l’on songe aux animaux aveugles qui habitent les cavernes obscures de l’Amérique et de l’Europe. La variation corrélative, c’est-à-dire la loi en vertu de laquelle la modification d’une partie du corps entraîne celle de diverses autres parties, semble aussi avoir joué un rôle important chez les variétés et chez les espèces ; chez les unes et chez les autres aussi des caractères depuis longtemps perdus sont sujets à reparaître. Comment expliquer par la théorie des créations l’apparition occasionnelle de raies sur les épaules et sur les jambes des diverses espèces du genre cheval et de leurs hybrides ? Combien, au contraire, ce fait s’explique simplement, si l’on admet que toutes ces espèces descendent d’un ancêtre zébré, de même que les différentes races du pigeon domestique descendent du biset, au plumage bleu et barré !

Si l’on se place dans l’hypothèse ordinaire de la création indépendante de chaque espèce, pourquoi les caractères spécifiques, c’est-à-dire ceux par lesquels les espèces du même genre diffèrent les unes des autres, seraient-ils plus variables que les caractères génériques qui sont communs à toutes les espèces ? Pourquoi, par exemple, la couleur d’une fleur serait-elle plus sujette à varier