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  Récapitulation. 561

bution géographique deviennent intelligibles d’après la théorie de la descendance avec modifications. Nous pouvons comprendre le parallélisme si frappant qui existe entre la distribution des êtres organisés dans l’espace, et leur succession géologique dans le temps ; car, dans les deux cas, les êtres se rattachent les uns aux autres par le lien de la génération ordinaire, et les moyens de modification ont été les mêmes. Nous comprenons toute la signification de ce fait remarquable, qui a frappé tous les voyageurs, c’est-à-dire que, sur un même continent, dans les conditions les plus diverses, malgré la chaleur ou le froid, sur les montagnes ou dans les plaines, dans les déserts ou dans les marais, la plus grande partie des habitants de chaque grande classe ont entre eux des rapports évidents de parenté ; ils descendent, en effet, des mêmes premiers colons, leurs communs ancêtres. En vertu de ce même principe de migration antérieure, combiné dans la plupart des cas avec celui de la modification, et grâce à l’influence de la période glaciaire, on peut expliquer pourquoi l’on rencontre, sur les montagnes les plus éloignées les unes des autres et dans les zones tempérées de l’hémisphère boréal et de l’hémisphère austral, quelques plantes identiques et beaucoup d’autres étroitement alliées ; nous comprenons de même l’alliance étroite de quelques habitants des mers tempérées des deux hémisphères, qui sont cependant séparées par l’océan tropical tout entier. Bien que deux régions présentent des conditions physiques aussi semblables qu’une même espèce puisse les désirer, nous ne devons pas nous étonner de ce que leurs habitants soient totalement différents, s’ils ont été séparés complètement les uns des autres depuis une très longue période ; le rapport d’organisme à organisme est, en effet, le plus important de tous les rapports, et comme les deux régions ont dû recevoir des colons venant du dehors, ou provenant de l’une ou de l’autre, à différentes époques et en proportions différentes, la marche des modifications dans les deux régions a dû inévitablement être différente.

Dans l’hypothèse de migrations suivies de modifications subséquentes, il devient facile de comprendre pourquoi les îles océaniques ne sont peuplées que par un nombre restreint d’espèces, et pourquoi la plupart de ces espèces sont spéciales ou endémiques ; pourquoi on ne trouve pas dans ces îles des espèces appartenant