Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/213

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nique ; ce progrès, d’après lui, repose sur l’étendue de la différenciation et de la spécialisation des différentes parties du même être, ce à quoi je voudrais cependant ajouter, lorsqu’il est arrivé à la maturité. Or, à mesure que les organismes, grâce à la sélection naturelle, s’adaptent lentement à différents modes d’existence, les parties doivent se différencier et se spécialiser de plus en plus pour remplir diverses fonctions, par suite des avantages qui résultent de la division du travail physiologique. Il semble souvent qu’une même partie ait été d’abord modifiée dans un sens, puis longtemps après elle prend une autre direction tout à fait distincte ; ce qui contribue à rendre toutes les parties de plus en plus complexes. En tout cas, chaque organisme conserve le type général de la conformation de l’ancêtre dont il est originairement issu. Les faits géologiques, d’accord avec cette hypothèse, tendent à prouver que, dans son ensemble, l’organisation a avancé dans le monde à pas lents et interrompus. Dans le règne des Vertébrés, elle a atteint son point culminant chez l’homme. Il ne faudrait pas croire, cependant, que des groupes d’êtres organisée disparaissent aussitôt qu’ils ont engendré d’autres groupes plus parfaits qu’eux, et qui sont destinés à les remplacer. Le fait qu’ils l’ont emporté sur leurs devanciers n’implique pas nécessairement qu’ils sont mieux adaptés pour s’emparer de toutes les places vacantes dans l’économie de la nature. Quelques formes anciennes semblent avoir survécu parce qu’elles ont habité des localités mieux protégées où elles n’ont pas été exposées à une lutte très vive ; ces formes nous permettent souvent de reconstituer nos généalogies, en nous donnant une idée plus exacte des anciennes populations disparues. Mais il faut se garder de considérer les membres actuellement existants d’un groupe d’organismes inférieurs comme les représentants exacts de leurs antiques prédécesseurs.

Quand on remonte le plus haut possible dans la généalogie du règne des vertébrés, on trouve que les premiers ancêtres de ce règne ont probablement consisté en un groupe d’animaux marins[1]

  1. Les marées doivent affecter considérablement tous les animaux habitant le bord immédiat de la mer ; en effet, les animaux vivant à peu près à la hauteur moyenne des plus hautes marées passent tous les quinze jours par un cycle complet de changements dans la hauteur de la marée. En conséquence, leur alimentation subit chaque semaine des modifications importantes. Les fonctions vitales des animaux vivant dans ces conditions pendant d’innombrables générations doivent nécessairement s’adapter à des périodes régulières de sept jours. Or, fait mystérieux, chez les vertébrés supérieurs et actuellement terrestres, pour ne pas mentionner d’autres classes, plusieurs phénomènes normaux et anormaux ont des périodes d’une ou plusieurs semaines, ce qu’il est facile de comprendre, si on admet que les vertébrés descendent d’un ani-