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et plus mous que les poux européens. M. Murray s’est procuré quatre espèces de poux d’Afrique, pris sur des nègres habitant la côte orientale et la côte occidentale, des Hottentots et des Cafres ; deux espèces d’Australie ; deux de l’Amérique du nord et deux de l’Amérique du sud. Ces derniers provenaient probablement d’indigènes habitant diverses régions. On considère ordinairement que, chez les insectes, les différences de structure, si insignifiantes qu’elles soient, ont une valeur spécifique, lorsqu’elles sont constantes ; or, on pourrait invoquer avec quelque raison, à l’appui de la spécificité distincte des races humaines, le fait que des parasites qui paraissent spécifiquement distincts attaquent les diverses races.

Arrivé à ce point de ses recherches, notre naturaliste se demanderait si les croisements entre les diverses races humaines restent plus ou moins stériles. Il pourrait consulter un ouvrage d’un observateur sagace, d’un philosophe éminent, le professeur Broca[1] ; il trouverait, à côté de preuves que les croisements entre certaines races sont très féconds, des preuves tout aussi concluantes qu’il en est autrement pour d’autres. Ainsi, on a affirmé que les femmes indigènes de l’Australie et de la Tasmanie produisent rarement des enfants avec les Européens ; mais on a acquis la preuve que cette assertion n’a que peu de valeur. Les noirs purs mettent à mort les métis ; on a pu lire récemment que la police[2] a retrouvé les restes calcinés de onze jeunes métis assassinés par les indigènes. On a aussi prétendu que les ménages mulâtres ont peu d’enfants ; or, le docteur Bachman[3], de Charleston, affirme positivement, au contraire, qu’il a connu des familles mulâtres qui se sont mariées entre elles pendant plusieurs générations, sans cesser d’être en moyenne aussi fécondes que les familles noires ou les familles blanches pures. Sir C. Lyell m’informe qu’il a autrefois fait de nombreuses recherches à cet égard et qu’il a dû adopter la même conclusion[4].

  1. Broca, Phén. d’hybridité dans le genre Homo.
  2. Voir l’intéressante lettre de M.-T. A. Murray, dans Anthropolog. Review, avril 1868, p. LIII. Dans cette lettre, M. Murray réfute l’assertion du comte Strzelecki, qui prétend que les femmes australiennes qui ont eu des enfants avec des hommes blancs deviennent ensuite stériles avec les hommes de leur propre race. M. de Quatrefages (Revue des Cours scientifiques, mars 1869, p. 239) a aussi recueilli des preuves nombreuses tendant à prouver que les croisements entre Australiens et Européens ne sont point stériles.
  3. An Examination of prof. Agassiz’s sketch of the Nat. Provinces of the Animal World, Charleston, 1855, p. 44.
  4. Le Dr Rohlfs m’écrit que les races du Sahara sont très fécondes ; ces races résultent d’un mélange d’Arabes, de Berbères et de nègres, appartenant à trois tribus. D’un autre côté, M. Winwood Reade m’apprend que, bien qu’ils