Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/227

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n’éprouvent aucune hésitation à reconnaître que toutes les races humaines descendent d’une souche primitive unique ; cela posé, ils leur donnent, selon qu’ils le jugent à propos, le nom de races ou d’espèces distinctes, dans le but d’exprimer la somme de leurs différences[1]. Quand il s’agit de nos animaux domestiques, la question de savoir si les diverses races descendent d’une ou de plusieurs espèces est quelque peu différente. Bien que toutes les races domestiques, ainsi que toutes les espèces naturelles appartenant au même genre, soient, sans aucun doute, issues de la même souche primitive, il est encore utile de discuter si, par exemple, toutes les races domestiques du chien ont acquis les différences qui les séparent aujourd’hui les unes des autres depuis qu’une espèce unique quelconque a été primitivement domestiquée et élevée par l’homme, ou si elles doivent quelques-uns de leurs caractères à d’autres espèces distinctes, qui s’étaient déjà modifiées elles-mêmes à l’état de nature et qui leur auraient transmis ces caractères par hérédité. Cette question ne se présente pas pour le genre humain, car on ne saurait soutenir qu’il ait été domestiqué à une période particulière quelle qu’elle soit.

Lorsque, à une époque extrêmement reculée, les descendants d’un ancêtre commun ont revêtu des caractères distincts pour former les races humaines, les différences entre ces races devaient être insignifiantes et peu nombreuses ; en conséquence, ces races au point de vue des caractères distinctifs, avaient moins de titres au rang d’espèces distinctes que les soi-disant races actuelles. Néanmoins, le terme « espèce » est si arbitraire que quelques naturalistes auraient pu peut-être considérer ces anciennes races comme des espèces distinctes, si leurs différences, bien que très légères, avaient été plus constantes qu’elles ne le sont aujourd’hui, et si elles ne se confondaient pas les unes avec les autres.

Toutefois, il est possible, quoique fort peu probable, que les premiers ancêtres de l’homme aient, tout d’abord, revêtu des caractères assez distincts pour se ressembler beaucoup moins que ne le font les races existantes ; puis, que plus tard, ainsi que le suggère Vogt ces dissemblances se soient effacées par un effet de convergence[2]. Lorsque l’homme croise, pour obtenir un but déterminé, les descendants de deux espèces distinctes, il provoque quelquefois, au point de vue de l’aspect général, une convergence qui peut être considérable. C’est ce qui arrive, ainsi que le démontre Von Na-

  1. Professeur Huxley, Fortnightly Review, 1865, p. 275.
  2. Leçons sur l’Homme, p. 498.