Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mâles ne se développent que plus tard[1]. On pourrait, outre les cas extrêmes d’étroite ressemblance sexuelle et de dissimilitude complète, que nous présentent le Crossoptilon et le Paon, signaler beaucoup de cas intermédiaires dans lesquels les caractères suivent dans leur ordre de développement les deux lois que nous avons formulées.

La plupart des insectes sortent de la chrysalide à l’état parfait. L’époque du développement peut-elle donc dans ce cas déterminer la transmission des caractères à un sexe seul ou aux deux sexes ? Prenons, par exemple, deux espèces de papillons : chez l’une, les mâles et les femelles diffèrent de couleur ; chez l’autre, ils se ressemblent. Les écailles colorées se développent-elles au même âge relatif dans la chrysalide ? Toutes les écailles se forment-elles simultanément sur les ailes d’une même espèce de papillons, chez laquelle certaines marques colorées sont propres à un sexe, pendant que d’autres sont communes aux deux ? Une différence de ce genre dans l’époque du développement n’est pas aussi improbable qu’elle peut d’abord le paraître ; car, chez les Orthoptères, qui atteignent l’état parfait, non par une métamorphose unique, mais par une série de mues successives, les jeunes mâles de quelques espèces ressemblent d’abord aux femelles, et ne revêtent leurs caractères masculins distinctifs que dans une de leurs dernières mues. Les mues successives de certains crustacés mâles présentent des cas strictement analogues.

Nous n’avons jusqu’ici considéré la transmission des caractères, relativement à l’époque de leur développement, que chez les espèces à l’état de nature ; voyons ce qui se passe chez les animaux domestiques ; nous nous occuperons d’abord des monstruosités et des maladies. La présence de doigts additionnels et l’absence de certaines phalanges doivent être déterminées dès une époque embryonnaire précoce, — la tendance à l’hémorrhagie est au moins congénitale, comme l’est probablement la dyschromatopsie ; — cependant, ces particularités et d’autres semblables ne se transmet-

  1. Chez quelques autres espèces de la famille des Canards, le spéculum diffère davantage chez les deux sexes ; mais je n’ai pu découvrir si son développement complet a lieu plus tard chez les mâles de ces espèces que chez ceux de l’espèce commune, comme cela devrait être selon notre règle. Un cas de ce genre se présente toutefois chez le Mergus cucullatus voisin, où les deux sexes diffèrent notablement par leur plumage général, et à un degré considérable par le spéculum, qui est blanc pur chez le mâle, et gris blanchâtre chez la femelle. Les jeunes mâles ressemblent, sous tous les rapports, aux femelles, et ont un spéculum gris blanchâtre, mais qui devient blanc avant l’âge où le mâle adulte acquiert les autres différences plus prononcées de son plumage. (Audubon, Ornithological Biography, vol. III, 1835, pp. 249-250.)