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sont beaucoup plus abondants chez les mâles que chez les femelles. Il est presque certain que, sans aucun développement exceptionnel des organes olfactifs, les mâles trouveraient tôt ou tard les femelles ; l’augmentation du nombre des filaments olfactifs est donc probablement due à la sélection sexuelle ; les mâles les mieux pourvus ont dû, en effet, le mieux réussir à trouver les femelles et à laisser des descendants.

Fig. 4. — Labidocera Darwinii (d’après Lubbock).
a. Partie l’antenne antérieure droite du mâle, formant un organe prenant.
b. l’aire postérieure des pattes thoraciques chez le mâle.
c. La même chez la femelle.

Fritz Müller a décrit une remarquable espèce dimorphe de Tanais ; chez cette espèce, le sexe mâle est représenté par deux formes distinctes, qui ne se confondent jamais l’une avec l’autre. Le mâle d’une de ces formes porte un plus grand nombre de cils olfactifs ; le mâle de l’autre est armé de pinces plus puissantes et plus allongées qui lui permettent de saisir et de contenir la femelle. Fritz Müller attribue ces différences entre les deux formes mâles d’une même espèce à ce que le nombre des cils olfactifs a varié chez certains individus, tandis que la forme et la grosseur des pinces a varié chez d’autres ; de sorte que, chez les premiers, les mieux appropriés à trouver la femelle, et, chez les seconds, les plus aptes à la contenir après l’avoir capturée, ont laissé plus de descendants à qui ils ont transmis leur supériorité respective[1].

Chez quelques Crustacés inférieurs, la conformation de l’antenne antérieure droite du mâle diffère considérablement de celle de l’antenne gauche ; cette dernière se rapproche beaucoup des simples antennes effilées des femelles. L’antenne modifiée du mâle se renfle au milieu, fait un angle ou se transforme (fig. 4) en un organe prenant élégant et quelquefois étonnamment compliqué[2]. Sir J. Lubbock m’apprend que cet organe sert à maintenir la femelle :

  1. Faits et arguments pour Darwin (trad. anglaise). Voir la Discussion sur les cils olfactifs. Sars a décrit un cas à peu près analogue (reproduit dans Nature, 1870, p. 455) chez un Crustacé norvégien, le Pontoporeia affinis.
  2. Sir J. Lubbock, Annals and Mag. of Nat. Hist., vol. XI, 1853, pl. I et x ; vol. XII, 1853, pl. VII. Voir aussi Lubbock, dans Transact. Entom. Soc., vol. IV, 1856-58, p. 8. Pour les antennes en zigzag, mentionnées plus bas, voir Fritz Müller, op. c., 1869, p. 40.