Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ges ont un goût prononcé pour le thé, le café et les liqueurs spiritueuses ; ils fument aussi le tabac avec plaisir, ainsi que je l’ai observé moi-même[1]. Brehm assure que les habitants des parties nord-ouest de l’Afrique attrapent les mandrills en exposant à leur portée des vases contenant de la bière forte, avec laquelle ils s’enivrent. Il a observé quelques-uns de ces animaux en captivité dans le même état d’ivresse, et fait un récit très divertissant de leur conduite et de leurs bizarres grimaces. Le matin suivant, ils étaient sombres et de mauvaise humeur, se tenaient la tête à deux mains et avaient une piteuse mine ; ils se détournaient avec dégoût lorsqu’on leur offrait de la bière ou du vin, mais paraissaient être très friands du jus de citron[2]. Un singe américain, un Ateles, après s’être enivré d’eau-de-vie, ne voulut plus jamais en boire, se montrant en cela plus sage que bien des hommes. Ces faits peu importants prouvent combien les nerfs du goût sont semblables chez l’homme et chez les singes, et combien leur système nerveux entier est similairement affecté.

L’homme est infesté de parasites internes dont l’action provoque parfois des effets funestes ; il est tourmenté par des parasites externes, qui appartiennent aux mêmes genres ou aux mêmes familles que ceux qui attaquent d’autres mammifères, et, dans le cas de la gale, à la même espèce[3]. L’homme est, comme d’autres animaux, mammifères, oiseaux, insectes même[4], soumis à cette loi mystérieuse en vertu de laquelle certains phénomènes normaux, tels que la gestation, ainsi que la maturation et la durée de diverses maladies, suivent les phases de la lune. Les mêmes phénomènes se produisent chez lui et chez les animaux pour la cicatrisation des blessures, et les moignons qui subsistent après l’amputation des membres possèdent parfois, surtout pendant les premières phases de la période embryonnaire, une certaine puissance de régénération comme chez les animaux inférieurs[5].

  1. Certains animaux placés beaucoup plus bas sur l’échelle partagent parfois les mêmes goûts. M. A. Nicolas m’apprend qu’il a élevé à Queensland, (Australie) trois individus de la variété Phaseolarctus cinereus et que tous trois acquirent bientôt un goût prononcé pour le rhum et pour le tabac.
  2. Brehm, Thierleben, B. I, 1864, p. 75, 86. Sur l’Ateles, p. 105. Pour d’autres assertions analogues, p. 25, 107.
  3. Dr W. Lauder Lindsay, Edinburgh Veterinary Review, juillet 1858, p. 13.
  4. Relativement aux Insectes, docteur Laycock : On a general Law of Vital Periodicity (British Association), 1842. Le docteur Mac Culloch (Silliman’s North Americ. Journ. of science, vol. xvii, p, 305) a vu un chien souffrant d’une fièvre tierce. J’aurai à revenir sur ce point.
  5. J’ai indiqué les preuves à cet égard dans la Variation des Animaux et des Plantes à l’état domestique, vol. II, p. 14 (Paris, Reinwald).