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tions ? Le mâle étale-t-il ses charmes avec autant de pompe, défie-t-il ses rivaux avec tant d’ardeur, sans aucun motif, sans chercher à atteindre un but ? Ne sommes-nous pas autorisés à croire que la femelle exerce un choix et qu’elle accepte les caresses du mâle qui lui convient le plus ? Il n’est pas probable qu’elle délibère d’une façon consciente ; mais le mâle le plus beau, celui qui a la voix la plus mélodieuse, ou le plus empressé réussit le mieux à l’exciter et à la captiver. Il n’est pas nécessaire non plus de supposer que la femelle analyse chaque raie ou chaque tache colorée du plumage du mâle ; que la paonne, par exemple, admire chacun des détails de la magnifique queue du paon ; elle n’est probablement frappée que de l’effet général. Cependant, lorsque nous voyons avec quel soin le faisan Argus mâle étale ses élégantes rémiges primaires, redresse ses plumes ocellées pour les mettre dans la position où elles produisent leur maximum d’effet, ou encore, comme le chardonneret mâle, déploie alternativement ses ailes pailletées d’or, pouvons-nous affirmer que la femelle ne soit pas à même de juger tous les détails de ces magnifiques ornements ? Nous ne pouvons, comme nous l’avons dit, penser qu’il y a choix, que par analogie avec ce que nous ressentons nous-mêmes ; or, les facultés mentales des oiseaux ne diffèrent pas fondamentalement des nôtres. Ces diverses considérations nous permettent de conclure que l’accouplement des oiseaux n’est pas abandonné au hasard seul ; mais que, au contraire, les mâles qui, par leurs charmes divers, sont les plus aptes à plaire aux femelles et à les séduire, sont, dans les conditions ordinaires, les plus facilement acceptés. Ceci admis, il n’est pas difficile de comprendre comment les oiseaux mâles ont peu à peu acquis leurs divers ornements. Tous les animaux offrent des différences individuelles ; et, de même que l’homme peut modifier ses oiseaux domestiques en choisissant les individus qui lui semblent les plus beaux, de même la préférence habituelle ou même accidentelle qu’éprouvent les femelles pour les mâles les plus attrayants doit certainement provoquer chez eux des modifications qui, avec le temps, peuvent s’augmenter dans toute la mesure compatible avec l’existence de l’espèce.


Variabilité des oiseaux, et surtout de leurs caractères sexuels secondaires. — La variabilité et l’hérédité sont les bases sur lesquelles s’appuie la sélection pour effectuer son œuvre. Il est certain que les oiseaux domestiques ont beaucoup varié et que leurs variations sont héréditaires. On admet généralement[1], aujourd’hui, que les

  1. D’après le docteur Blasius (Ibis, vol. II, 1860, p. 297), il y a 425 espèces