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oiseaux ont parfois été modifiés de façon à former des races distinctes. Il y a deux sortes de variations : celles que, dans notre ignorance, nous appelons spontanées ; celles qui ont des rapports directs avec les conditions ambiantes, de sorte que tous ou presque tous les individus de la même espèce subissent des modifications analogues. M. J. A. Allen[1] a récemment observé ces dernières variations avec beaucoup de soin ; il a démontré qu’aux États-Unis beaucoup d’espèces d’oiseaux affectent des couleurs plus vives à mesure que leur habitat est situé plus au sud, et des couleurs plus claires à mesure qu’ils pénètrent davantage vers l’ouest dans les plaines arides de l’intérieur. Les deux sexes semblent ordinairement affectés de la même manière ; mais parfois un sexe l’est plus que l’autre. Cette modification de coloration n’est pas incompatible avec l’hypothèse qui veut que les couleurs des oiseaux soient principalement dues à l’accumulation de variations successives, grâce à la sélection sexuelle ; car, alors même que les sexes ont acquis des différences considérables, l’influence du climat pourrait se traduire par un effet égal sur les deux sexes, ou par un effet plus considérable sur un sexe que sur l’autre, grâce à certaines dispositions constitutionnelles.

Tous les naturalistes sont d’accord aujourd’hui pour admettre que des différences individuelles entre les membres d’une même espèce surgissent à l’état sauvage. Les variations soudaines et fortement prononcées sont assez rares ; il est douteux, d’ailleurs, que ces variations, en admettant même qu’elles soient avantageuses, soient souvent conservées par la sélection et transmises aux géné-

    incontestables d’oiseaux qui se reproduisent en Europe, outre 60 formes qu’on regarde souvent comme des espèces distinctes. Blasius croit que 10 de ces dernières sont seules douteuses, les 50 autres devant être réunies à leurs voisines les plus proches ; mais cela prouve qu’il doit y avoir chez quelques-uns de nos oiseaux d’Europe une variabilité considérable. Les naturalistes ne sont pas plus d’accord sur le fait de savoir si plusieurs oiseaux de l’Amérique du Nord doivent être considérés comme spécifiquement distincts des espèces européennes qui leur correspondent.

  1. Mammals and Birds of East Florida, et Ornithological Reconnaissance of Kansas, etc. Malgré l’influence du climat sur les couleurs des oiseaux, il est difficile d’expliquer les teintes ternes ou foncées de presque toutes les espèces habitant certains pays, les îles Galapagos, par exemple, situées sous l’Équateur, les plaines tempérées de la Patagonie et, à ce qu’il paraît, l’Égypte (Hatshorne, American Naturalist, 1873, p. 747). Ces pays sont déboisés et offrent, par conséquent, peu d’abris aux oiseaux ; mais il est douteux qu’on puisse expliquer par un défaut de protection l’absence d’espèces brillamment colorées, car, dans les Pampas également déboisés, mais couverts, il est vrai, de gazon, et où les oiseaux sont tout aussi exposés au danger, on constate la présence de nombreuses espèces brillamment colorées. Je me suis souvent demandé si les teintes ternes prédominantes du paysage dans les pays dont il s’agit n’auraient pas influé sur le goût des oiseaux en matière de couleur.