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un nid à dôme, ce qui est une anomalie pour un aussi grand oiseau. Les naturalistes se sont demandé avec étonnement comment la Menura femelle pouvait couver avec sa queue ; mais on sait maintenant[1] « qu’elle pénètre dans son nid la tête la première, puisqu’elle se retourne en relevant quelquefois sa queue sur son dos, mais le plus souvent en la courbant sur le côté. Aussi avec le temps la queue devient tout à fait oblique et le degré d’obliquité indique assez approximativement le temps pendant lequel l’oiseau a couvé. » Les deux sexes d’un martin-pêcheur australien (Tanysiptera sylvia) ont les rectrices médianes très-allongées ; la femelle fait son nid dans un trou : aussi, ces plumes, d’après M. W. B. Sharpe, sont-elles toutes froissées pendant l’incubation.

Dans ces deux cas, la grande longueur des rectrices doit, dans une certaine mesure, gêner la femelle ; chez les deux espèces, il est vrai, elles sont, chez la femelle, un peu plus courtes que chez le mâle ; on pourrait donc en conclure que l’intervention de la sélection naturelle a empêché leur complet développement. Mais, si le développement de la queue de la paonne n’avait été arrêté qu’au moment où sa longueur devenait encombrante ou dangereuse, elle serait bien plus allongée qu’elle ne l’est réellement, car elle est loin d’avoir, relativement à la grosseur du corps de l’oiseau, la longueur qu’elle atteint chez beaucoup de faisanes, et elle n’est pas plus longue que celle de la dinde. En outre, il faut se rappeler que, si l’on admet que le développement de la queue de la paonne, devenue dangereusement longue, a été arrêté par l’intervention de la sélection naturelle, il faut admettre aussi que la même cause aurait constamment réagi sur sa descendance mâle et empêché le paon d’acquérir l’ornement splendide qu’il possède actuellement. Nous pouvons donc conclure que la longueur de la queue du paon et son peu de développement chez la femelle proviennent de ce que les variations qui ont amené le développement de cet appendice chez le mâle ont été, dès l’origine, transmises à la seule descendance mâle.

Nous sommes amenés à conclure de façon à peu près analogue, quand il s’agit de la longueur de la queue chez les diverses espèces de faisans. Chez une d’elles (Crossoptilon auritum), la queue atteint la même longueur chez les deux sexes, soit quarante ou quarante-deux centimètres ; chez le faisan commun, elle atteint une longueur de cinquante centimètres chez le mâle et de trente centimètres chez la femelle ; chez le faisan de Sœmmerring, elle a quatre-vingt-deux

  1. M. Ramsay, Proc. Zool Soc., 1868, p. 56.