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son nid, et qu’en conséquence, conformément à l’opinion de M. Wallace, elle avait été éliminée chez elle. Les observations de Malherbe sur l’Indopicus carlotta confirment cette opinion ; selon lui, les jeunes femelles ont, comme les jeunes mâles, des parties écarlates sur la tête, mais cette couleur disparaît chez la femelle adulte, tandis qu’elle augmente chez le mâle à mesure qu’il vieillit. Les considérations suivantes rendent cependant cette explication très-douteuse : le mâle prend une grande part à l’incubation[1], il serait donc, dans ce cas, aussi exposé au danger que la femelle ; les individus des deux sexes, chez beaucoup d’espèces, ont la tête colorée également d’un vif écarlate : chez d’autres, la différence de nuance entre les mâles et les femelles est tellement insensible, qu’il n’en peut résulter aucune différence appréciable quant au danger couru ; et enfin la coloration de la tête chez les individus des deux sexes diffère souvent un peu sous d’autres rapports.

Les exemples que nous avons cités relativement aux différences légères et graduelles de coloration que l’on observe entre les mâles et les femelles de groupes chez lesquels, en règle générale, les sexes se ressemblent, se rapportent tous à des espèces qui construisent des nids cachés ou recouverts d’un dôme. On peut toutefois observer des gradations semblables dans des groupes où, d’ordinaire, les sexes se ressemblent, mais qui construisent des nids ouverts. De même que j’ai cité ci-dessus les perroquets australiens, je peux signaler, sans entrer dans aucun détail, les pigeons australiens[2]. Il faut noter avec soin que, dans tous ces cas, les légères différences que présente le plumage des mâles et des femelles affectent la même nature générale que celles qui sont accidentellement plus tranchées. Les martins-pêcheurs chez lesquels la queue seule, ou toute la surface supérieure du plumage, diffère de la même manière chez les individus des deux sexes, nous offrent un excellent exemple de ce fait. On observe des cas semblables chez les perroquets et chez les pigeons. Les différences entre la coloration du mâle et de la femelle d’une même espèce affectent aussi la même nature générale que les différences de couleur existant entre les espèces distinctes du même groupe. En effet, lorsque dans un groupe, où les sexes se ressemblent ordinairement, le mâle diffère beaucoup de la femelle, son type de coloration n’est pas entièrement nouveau. Nous pouvons donc en conclure que, dans un même groupe, les couleurs spéciales des individus des deux sexes, quand elles sont semblables, ainsi que celles du mâle, quand il diffère peu ou beaucoup de la femelle,

  1. Audubon, Ornith. Biogr., vol. II, p. 75. Voir l’Ibis, vol. I. p. 268.
  2. Gould, Handb. Birds of Australia, vol. II, p. 109-149.