Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/555

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couleurs actuelles, sont-elles plus à l’abri que si elles ressemblaient aux cailles ? Les légères différences que l’on observe entre les femelles du faisan commun et celles des faisans dorés et du Japon, servent-elles de protection, ou leurs plumages n’auraient-ils pas pu être impunément intervertis ? M. Wallace, après avoir étudié les mœurs et les habitudes de certains gallinacés en Orient, admet l’utilité et l’avantage de légères différences de cette nature. Quant à moi, je me borne à dire que je ne suis pas convaincu.

J’étais autrefois disposé à attribuer une grande importance au principe de la protection, pour expliquer les couleurs plus sombres des oiseaux femelles ; je pensais donc que les mâles et les femelles, ainsi que les jeunes, avaient dans le principe été également pourvus de couleurs brillantes, mais que subséquemment le danger que ces couleurs faisaient courir aux femelles pendant l’incubation, et aux jeunes dépourvus d’expérience, avait déterminé l’assombrissement de leur plumage comme moyen de sécurité. Mais aucune preuve ne vient à l’appui de cette hypothèse, et je considère qu’elle est peu probable ; car nous exposons ainsi en imagination, pendant les temps passés, les femelles et les jeunes à des dangers contre lesquels il a fallu subséquemment protéger leurs descendants modifiés. Il faudrait aussi supposer que la sélection a graduellement pourvu les femelles et les jeunes de taches et de nuances à peu près identiques, et a opéré la transmission de celles-ci au sexe et à l’époque de la vie correspondants. En supposant aussi que les femelles et les jeunes aient, à chaque phase de la modification, participé à une tendance à être aussi brillamment colorés que les mâles, il serait fort étrange que les femelles n’aient jamais acquis leur sombre plumage sans que les jeunes aient éprouvé le même changement. En effet, autant que je puis le savoir, il n’existe aucune espèce où la femelle porte des couleurs sombres et où les jeunes en affectent de brillantes. Les jeunes de quelques pics font, cependant, exception à cette règle, car ils ont « toute la partie supérieure de la tête teintée en rouge », teinte qui ensuite diminue et se transforme en une simple ligne rouge circulaire chez les adultes des deux sexes, ou qui disparaît entièrement chez les femelles adultes[1].

En résumé, quand il s’agit de la catégorie qui nous occupe, l’hypothèse la plus probable paraît être que les variations successives en éclat ou celles relatives à d’autres caractères d’ornementation, qui ont surgi chez les mâles à un âge assez tardif

  1. Audubon, o. c., vol I, p. 193. Macgillivray, o. c., vol. III, p. 85. Voir aussi le cas de l’Indopicus carlotta, cité précédemment.