Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/611

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retrouver ses petits égarés, les petits, pour réclamer la protection de leur mère ; ce sont là des faits sur lesquels nous n’avons pas besoin d’insister ici. Nous n’avons à nous occuper que de la différence entre la voix des deux sexes, entre celle du lion et celle de la lionne, entre celle du taureau et celle de la vache, par exemple. Presque tous les animaux mâles se servent de leur voix pendant la saison du rut beaucoup plus qu’à toute autre époque ; il y en a, comme la girafe et le porc-épic[1], qu’on dit absolument muets en dehors de cette saison. La gorge (c’est-à-dire le larynx et les corps thyroïdes)[2] grossissant périodiquement au commencement de la saison du rut chez les cerfs, on pourrait en conclure que leur voix, alors puissante, a pour eux une haute importance, mais cela est douteux. Il résulte des informations que m’ont données deux observateurs expérimentés, M. Mc Neill et Sir P. Egerton, que les jeunes cerfs au-dessous de trois ans ne mugissent pas ; les autres ne commencent à le faire qu’au moment de la saison des amours, d’abord accidentellement et avec modération, pendant qu’ils errent sans relâche à la recherche des femelles. Ils préludent à leurs combats par des mugissements forts et prolongés, mais restent silencieux pendant la lutte elle-même. Tous les animaux qui se servent habituellement de leur voix, émettent divers bruits sous l’influence d’une émotion, ainsi lorsqu’ils sont irrités ou se préparent à la bataille : c’est peut-être le résultat d’une excitation nerveuse déterminant la contraction spasmodique des muscles ; de même l’homme grince des dents et ferme les poings dans un vif état d’irritation ou de souffrance. Les cerfs se provoquent sans doute au combat mortel en beuglant ; mais les cerfs à la voix la plus forte, à moins d’être en même temps les plus puissants, les mieux armés et les plus courageux, n’auraient aucun avantage sur leurs concurrents à voix plus faible.

Le rugissement du lion a peut-être quelque utilité réelle en ce qu’il frappe ses adversaires de terreur ; car lorsqu’il est irrité, il hérisse sa crinière, et cherche instinctivement à paraître aussi terrible que possible. Mais on ne peut guère supposer que le bramement du cerf, en admettant même quelque utilité de ce genre, ait assez d’importance pour avoir déterminé l’élargissement périodique de la gorge. Quelques auteurs ont pensé que le bramement servait d’appel pour les femelles ; mais les observateurs expérimentés cités plus haut m’ont affirmé que les femelles ne recherchent point les mâles, bien que ceux-ci soient ardents à la poursuite des

  1. Owen, Anat. of Vertebrates, III, p. 585.
  2. Ib., p. 595.