Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/634

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en vertu de la loi d’hérédité, aux âges correspondants, transmises aux jeunes de toutes les générations suivantes. Il peut avoir été très-avantageux au lion et au puma, qui fréquentent habituellement des lieux découverts, d’avoir perdu leurs raies, et d’être ainsi devenus moins apparents pour leur proie ; or, si les variations successives qui ont amené ce résultat se sont produites à une époque tardive de la vie, les jeunes ont conservé les raies, ce qui, nous le savons, est en effet arrivé. En ce qui concerne les cerfs, les porcs et les tapirs, Fritz Müller m’a fait remarquer que la disparition des taches et des raies, provoquée par la sélection naturelle, a dû rendre ces animaux moins facilement visibles à leurs ennemis, protection devenue d’autant plus nécessaire que les carnassiers ont augmenté en taille et en nombre pendant les périodes tertiaires. Cette explication peut être la vraie, mais il est assez étrange que les jeunes n’aient pas été également protégés, et plus encore que les adultes de quelques espèces aient conservé partiellement leurs taches ou toutes leurs taches pendant une partie de l’année. Nous savons, sans pouvoir en expliquer la cause, que, quand l’âne domestique varie et devient brun rougeâtre, gris ou noir, les raies de l’épaule et même celles de l’épine dorsale disparaissent ordinairement. Peu de chevaux, les chevaux isabelle exceptés, portent des raies sur le corps, et cependant nous avons de bonnes raisons pour croire que le cheval primitif portait des raies sur les jambes et sur la ligne dorsale, et probablement aussi sur les épaules[1]. La disparition des taches et des raies chez nos porcs, chez nos cerfs et chez nos tapirs adultes, peut donc provenir d’un changement dans la couleur générale de leur pelage, mais il nous est impossible de déterminer si ce changement est l’œuvre de la sélection sexuelle ou de la sélection naturelle, s’il est dû à l’action directe des conditions vitales, ou à quelque autre cause inconnue. Une observation faite par M. Sclater prouve notre ignorance des lois qui règlent l’apparition ou la disparition des raies ; les espèces d’Asinus qui habitent le continent asiatique ne portent pas de raies, et n’ont même pas la bande en croix sur l’épaule ; tandis que les espèces qui habitent l’Afrique sont nettement rayées, à l’exception de l’A. taeniopus, qui n’a que la bande en croix sur l’épaule et quelques traces de barres sur les jambes ; or cette espèce habite la région à peu près intermédiaire entre la haute Égypte et l’Abyssinie[2].

  1. La Variation, etc., vol. I, p. 65-68.
  2. Proc. Zool. Soc., 1862, p. 164. Docteur Hartmann, Ann. d. Landw. vol. XLIII, p. 222.