Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/649

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choires et ses dents. Les mâchoires avec leurs muscles et les dents se seront alors réduites par défaut d’usage, en vertu des principes encore peu compris de la corrélation et de l’économie de croissance ; car partout nous voyons que les parties qui ne servent plus subissent une réduction de grosseur. Une cause de ce genre aurait eu pour résultat définitif de faire disparaître l’inégalité primitive entre les mâchoires et les dents des deux sexes chez la race humaine. Ce cas est presque identique à celui de beaucoup de ruminants mâles, chez lesquels les canines se sont réduites à de simples rudiments, ou ont disparu, en conséquence évidemment du développement des cornes. La différence prodigieuse étant, entre les crânes des deux sexes chez le Gorille et chez l’Orang, en rapports étroits avec le développement énorme des dents canines chez les mâles, nous pouvons en conclure que la diminution des mâchoires et des dents chez les ancêtres primitifs mâles de l’homme a déterminé dans son aspect un changement favorable des plus frappants.

On ne peut guère douter que la plus grande taille et la plus grande force de l’homme, quand on le compare à la femme, ses épaules plus larges, ses muscles plus développés, ses contours plus anguleux, son plus grand courage et ses dispositions belliqueuses, ne proviennent principalement par héritage de quelque ancêtre mâle qui, comme les singes anthropomorphes actuels, possédait ces caractères. Ces caractères ont dû se conserver et même s’augmenter pendant les longues périodes où l’homme était encore plongé dans un état de barbarie profonde ; car les individus les plus forts et les plus hardis ont dû le mieux réussir, soit dans la lutte générale pour l’existence, soit pour la possession des femelles, et ont dû aussi laisser le plus grand nombre de descendants. Il n’est pas probable que la plus grande force de l’homme ait pour origine les effets héréditaires des travaux plus pénibles, auxquels il a dû se livrer pour assurer sa subsistance et celle de sa famille ; car, chez tous les peuples barbares, les femmes sont forcées de travailler au moins aussi laborieusement que les hommes. Chez les peuples civilisés le combat pour s’assurer la possession des femmes n’existe plus depuis longtemps, mais les hommes ont, en général, à se livrer à un travail plus pénible que les femmes pour subvenir à leur subsistance réciproque, et cette circonstance contribue à leur conserver leur force supérieure.


Différence dans les facultés intellectuelles des deux sexes. — Il est probable que la sélection sexuelle a joué un rôle important dans les différences de cette nature qui se remarquent entre l’homme