Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/665

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de la Nouvelle-Zélande m’ont dit, au sujet du tatouage, qu’ayant cherché à persuader à quelques jeunes filles de renoncer à cette pratique, elles avaient répondu : « Il faut que nous ayons quelques lignes sur les lèvres, car autrement nous serions trop laides en devenant vieilles. » Quant aux hommes de la Nouvelle-Zélande, un juge compétent[1] dit que « la grande ambition des jeunes gens est d’avoir une figure bien tatouée, tant pour plaire aux femmes que pour se mettre en évidence à la guerre. » Une étoile tatouée sur le front et une tache sur le menton sont, dans une partie de l’Afrique, considérées par les femmes comme des attraits irrésistibles[2]. Dans la plupart des contrées du monde, mais non dans toutes, les hommes sont plus ornés que les femmes, et souvent d’une manière différente ; quelquefois, mais cela est rare, les femmes ne le sont presque pas du tout. Les sauvages obligent les femmes à faire la plus grande partie de l’ouvrage, et ne leur permettent pas de manger les aliments de meilleure qualité ; il est donc tout naturel qu’avec son égoïsme caractéristique, l’homme leur défende de porter les plus beaux ornements. Enfin, fait remarquable que prouvent les citations précédentes, les mêmes modes de modifications dans la forme de la tête, l’ornementation de la chevelure, la peinture et le tatouage du corps, le percement du nez, des lèvres ou des oreilles, l’enlèvement et le limage des dents, etc., prédominent encore, comme elles l’ont fait depuis longtemps, dans les parties les plus différentes du globe. Il est fort improbable que ces pratiques, auxquelles tant de nations distinctes se livrent, soient dues à une tradition provenant d’une source commune. Elles indiquent plutôt, de même que les habitudes universelles de la danse, des mascarades et de l’exécution grossière des images, une similitude étroite de l’esprit de l’homme, à quelque race qu’il appartienne.


Après ces remarques préliminaires sur l’admiration que les sauvages éprouvent pour divers ornements, et même pour des déformations qui nous paraissent hideuses, voyons jusqu’à quel point les hommes se laissent attirer par l’aspect de leurs femmes, et quelles idées ils se font sur leur beauté. On a affirmé que les sauvages sont tout à fait indifférents à la beauté de leurs femmes et qu’ils ne les regardent que comme des esclaves ; il importe donc de faire remarquer que cette conclusion ne s’accorde nullement avec le soin que les femmes prennent à s’embellir, non plus qu’avec leur

  1. Rev. R. Taylor, New Zealand and its Inhabitants, p. 152, 1855.
  2. Mantegazza, Viaggi e Studi, p. 542.