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bres d’une même tribu ; ces termes impliquent parenté avec la tribu seule, et non avec des parents distincts. Ce sujet est trop étendu et trop compliqué pour que je puisse même en donner ici un aperçu ; je me bornerai donc à présenter quelques observations. Il est évident que, dans le cas des mariages en commun, ou de ceux où le lien conjugal est très-relâché, la parenté de l’enfant vis-à-vis de son père reste inconnue. Mais il est presque impossible que la parenté de l’enfant avec sa mère puisse jamais avoir été ignorée complètement, d’autant plus que, dans la plupart des tribus sauvages, les femmes nourrissent très-longtemps leurs enfants ; aussi, dans beaucoup de cas, les lignes de descendance ne se tracent que par la mère seule, à l’exclusion du père. Cependant, dans d’autres cas, les termes employés expriment une parenté avec la tribu seule, à l’exclusion même de la mère. L’aide et la protection réciproques si nécessaires pour les individus d’une même tribu sauvage, exposée à toutes sortes de dangers, ont pu donner une plus grande force, une importance beaucoup plus grande, à l’union à la parenté entre ces différents individus qu’à l’union même entre la mère et l’enfant : de là sans doute ces termes de parenté qui expriment les rapports de chacun avec la tribu. M. Morgan ne trouve cette explication nullement suffisante.

D’après cet auteur, on peut grouper les termes exprimant, dans toutes les parties du monde, les rapports de parenté, en deux classes : l’une classificatoire, l’autre descriptive ; c’est cette dernière que nous employons. Le système classificateur conduit à la conclusion que les mariages en commun, ou de formes très-relâchées, étaient à l’origine universels. Mais, il n’en résulte pas la nécessité de croire à des rapports de promiscuité absolue, et je suis heureux de voir que Sir J. Lubbock partage cette opinion. Dans le cas d’unions rigoureuses, en vue de la naissance de l’enfant, mais temporaires, à la manière de grand nombre d’animaux inférieurs, il a pu s’introduire dans les termes exprimant la parenté presque autant de confusion que si l’on admet la promiscuité absolue. En ce qui concerne la sélection sexuelle, il suffit que le choix soit exercé avant l’union des parents, et il importe peu que les unions durent toute la vie ou une seule saison.

Outre les preuves tirées des termes de parenté, d’autres raisons viennent indiquer que le mariage en commun a eu autrefois la prépondérance. Sir J. Lubbock[1] explique l’habitude étrange et si ré-

  1. Discours à l’Association Britannique, On the Social and religious Conditions of the lover races of Man, p. 20, 1870.