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Bien qu’il soit possible que l’homme n’ait pas été profondément modifié pendant les dernières périodes de son existence, par suite d’une augmentation ou d’une diminution de l’usage de certaines parties, les faits que nous venons de signaler prouvent que son aptitude sous ce rapport ne s’est pas perdue ; nous savons de la manière la plus positive que la même loi s’applique aux animaux inférieurs. Nous pouvons donc en conclure que, alors qu’à une époque reculée les ancêtres de l’homme se trouvaient dans un état de transition pendant lequel, de quadrupèdes qu’ils étaient, ils se transformaient en bipèdes, les effets héréditaires de l’augmentation ou de la diminution de l’usage des différentes parties du corps ont dû puissamment contribuer à augmenter l’action de la sélection naturelle.


Arrêts de développement. — L’arrêt de développement diffère de l’arrêt de croissance en ce que les parties qu’il affecte continuent à augmenter en volume tout en conservant leur état antérieur. On peut ranger dans cette catégorie diverses monstruosités dont certaines sont parfois héréditaires comme le bec-de-lièvre. Il suffira, pour le but que nous nous proposons ici, de rappeler l’arrêt dont est frappé le développement du cerveau chez les idiots microcéphales, si bien décrits par Vogt dans un important mémoire[1]. Le crâne de ces idiots est plus petit et les circonvolutions du cerveau sont moins compliquées que chez l’homme à l’état normal. Le sinus frontal, largement développé, formant une projection sur les sourcils, et le prognathisme effrayant des mâchoires donnent à ces idiots quelque ressemblance avec les types inférieurs de l’humanité. Leur intelligence et la plupart de leurs facultés mentales sont d’une extrême faiblesse. Ils ne peuvent articuler aucun langage, sont incapables de toute attention prolongée, mais sont enclins à l’imitation. Ils sont forts et remarquablement actifs, gambadent, sautent sans cesse, et font des grimaces. Ils montent souvent les escaliers à quatre pattes, et sont singulièrement portés à grimper sur les meubles ou sur les arbres. Ils nous rappellent ainsi le plaisir que manifestent presque tous les jeunes garçons à grimper aux arbres, et ce fait que les agneaux et les cabris, primitivement animaux alpins, aiment à folâtrer sur les moindres élévations de terrain qu’ils rencontrent. Les idiots ressemblent aussi aux animaux inférieurs sous quelques autres rapports ; ainsi, on en a connu plusieurs qui flairaient avec beaucoup de soin chaque bouchée avant de la manger. On cite un

  1. Mém. sur les Microcéphales, 1867, pp. 50, 125, 169, 171, 184-198.