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et il a consacré cinq ans à cet apprivoisement avant d’y parvenir, de faire perdre à un Macacus rhesus cette habitude indécente. Ces singes, présentés à un nouveau singe, mais souvent aussi à un de leurs vieux compagnons, agissent tout particulièrement de cette façon, et, après cette exhibition, se mettent à jouer ensemble. Le jeune mandrill cessa spontanément au bout de quelque temps de présenter le derrière à son maître. Mais il continua de le présenter aux étrangers et aux singes qu’il ne connaissait pas. Un jeune Cynopithecus niger ne se présenta qu’une fois ainsi à son maître, mais fréquemment aux étrangers. M. Fischer conclut de ces faits que les singes qui se sont conduits de cette façon devant un miroir, c’est-à-dire le mandrill, le drill, le Cynopithecus niger, le Macacus rhesus et le Macacus menestrinus, ont pensé que leur image dans le miroir était un nouveau singe. Le mandrill et le drill, dont le derrière est particulièrement ornementé, l’exhibent dès la plus tendre jeunesse, plus fréquemment et avec plus d’ostentation que les autres espèces ; puis vient le Cynocephalus hamadryas, et ensuite les autres espèces. Toutefois les individus appartenant à une même espèce varient sous ce rapport, et les singes très-timides ne font jamais étalage de cette partie de leur corps. Il faut noter avec soin que von Fischer a constaté que les espèces dont le derrière n’est pas coloré, n’attirent jamais l’attention sur cette partie de leur corps ; cette remarque s’applique au Macacus cynomolgus et au Cercocebus radiatus (très-proches voisins du M. rhesus), à trois espèces de Cercopithèques et à plusieurs singes américains. L’habitude d’accueillir un vieil ami ou une nouvelle connaissance en lui présentant son derrière, nous semble sans doute fort étrange ; toutefois, elle n’est certainement pas plus extraordinaire que quelques habitudes analogues des sauvages, qui, dans la même occasion, se frottent réciproquement le ventre avec la main ou se frottent le nez l’un contre l’autre. L’habitude chez le mandrill et chez le drill paraît instinctive ou héréditaire, car on l’observe chez de très-jeunes animaux ; mais, comme tant d’autres instincts, elle a été modifiée par l’observation, car von Fischer affirme que ces singes se donnent la plus grande peine pour que l’exhibition ne laisse rien à désirer, et, s’il se trouve deux observateurs en présence, ils s’adressent de préférence à celui qui semble les examiner avec le plus d’attention.

Quant à l’origine de cette habitude, von Fischer fait remarquer que ces singes aiment à ce qu’on caresse les parties nues de leur derrière, et qu’ils font alors entendre des grognements de plaisir. Souvent aussi ils présentent cette partie de leur corps aux autres singes, pour que leurs camarades enlèvent toutes les poussières qui pourraient s’y trouver, et les épines qui pourraient s’y être fixées. Mais, chez les singes adultes, l’habitude dont nous parlons semble, dans une certaine mesure, en rapport avec les sentiments sexuels ; von Fischer, en effet, a surveillé un Cynopithecus niger femelle et qui, durant plusieurs jours, « umdrehte und dem Männchen mit gurgelnden Tönen die stark geröthete Sitzfläche zeigte, was ich früher nie an diesem Thier bemerkt hatte. Beim Anblick dieses Gegenstandes erregte sich das Männchen sichtlich, denn es polterte heftig an den Stäben, ebenfalls gurgelnde Laute ausstossend. » Comme tous les singes qui ont le derrière plus ou moins brillamment coloré habitent, selon von Fischer, des endroits rocheux et découverts, il croit que ces couleurs servent à rendre un sexe plus voyant que l’autre ; mais les singes étant des animaux très-