Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/97

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lution, mais qui rejettent la sélection naturelle, paraissent oublier, en critiquant mon ouvrage, que j’avais les deux objets précités en vue ; donc, si j’ai commis une erreur, soit, ce que je suis loin d’admettre, en attribuant une grande puissance à la sélection naturelle, soit, ce qui est probable en soi, en exagérant cette puissance, j’espère au moins avoir rendu quelque service en contribuant à renverser le dogme des créations distinctes.

Il est probable, je le comprends maintenant, que tous les êtres organisés, l’homme compris, présentent beaucoup de particularités de structure qui n’ont pour eux aucune utilité dans le présent, non plus que dans le passé, et qui n’ont, par conséquent, aucune importance physiologique. Nous ignorons ce qui amène chez les individus de chaque espèce d’innombrables petites différences, car le retour ne fait que reculer le problème de quelques pas ; mais chaque particularité doit avoir eu une cause efficiente propre. Si ces causes, quelles qu’elles puissent être, agissaient plus uniformément et plus énergiquement pendant une longue période (et il n’y a pas de raison pour que cela n’arrive pas), il en résulterait probablement, non plus une légère différence individuelle, mais une modification constante et bien prononcée qui n’aurait, cependant, aucune importance physiologique. La sélection naturelle n’a certes pas contribué à conserver l’uniformité des modifications qui ne présentaient aucun avantage, bien qu’elle ait dû éliminer toutes celles qui étaient nuisibles. L’uniformité des caractères résulterait néanmoins naturellement de l’uniformité présumée de leurs causes déterminantes, et aussi du libre entre-croisement d’un grand nombre d’individus. Le même organisme pourrait de cette manière acquérir, pendant des périodes successives, des modifications successives, qui se transmettraient à peu près uniformément tant que les causes agissantes resteraient les mêmes, et tant que l’entre-croisement resterait libre. Quant aux causes déterminantes, nous ne pouvons que répéter ce que nous avons dit en parlant des prétendues variations spontanées, c’est qu’elles se rattachent plus étroitement à la constitution de l’organisme variable qu’à la nature des conditions auxquelles il a été soumis.


Résumé. — Nous avons vu dans ce chapitre que, de même que l’homme actuel est sujet, comme tout autre animal, à des différences individuelles multiformes ou à de légères variations, ses premiers ancêtres l’ont, sans aucun doute, également été ; ces variations ont été, alors comme aujourd’hui, provoquées par les mêmes causes, et réglées par les mêmes lois générales et complexes.