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  Objections diverses. 251

véritables dents pouvant servir efficacement, mais son palais, d’après Lacépède, est durci par la présence de petites pointes de corne inégales et dures. Il n’y a donc rien d’improbable à ce que quelque forme cétacée primitive ait eu le palais pourvu de pointes cornées semblables, plus régulièrement situées, et qui, comme les protubérances du bec de l’oie, lui servaient à saisir ou à déchirer sa proie. Cela étant, on peut à peine nier que la variation et la sélection naturelle aient pu convertir ces pointes en lamelles aussi développées qu’elles le sont chez l’oie égyptienne, servant tant à saisir les objets qu’à filtrer l’eau, puis en lamelles comme celles du canard domestique, et progressant toujours jusqu’à ce que leur conformation ait atteint celle du souchet, où elles servent alors exclusivement d’appareil filtrant. Des gradations, que l’on peut observer chez les cétacés encore vivants, nous conduisent de cet état où les lamelles ont acquis les deux tiers de la grandeur des fanons chez le Balæna rostrata, aux énormes fanons de la baleine groënlandaise. Il n’y a pas non plus la moindre raison de douter que chaque pas fait dans cette direction a été aussi favorable à certains cétacés anciens, les fonctions changeant lentement pendant le progrès du développement, que le sont les gradations existant dans les becs des divers membres actuels de la famille des canards. Nous devons nous rappeler que chaque espèce de canards est exposée à une lutte sérieuse pour l’existence, et que la formation de toutes les parties de son organisation doit être parfaitement adaptée à ses conditions vitales.

Les pleuronectes, ou poissons plats, sont remarquables par le défaut de symétrie de leur corps. Ils reposent sur un côté — sur le gauche dans la plupart des espèces ; chez quelques autres, sur le côté droit ; on rencontre même quelquefois des exemples d’individus adultes renversés. La surface inférieure, ou surface de repos, ressemble au premier abord à la surface inférieure d’un poisson ordinaire ; elle est blanche ; sous plusieurs rapports elle est moins développée que la surface supérieure et les nageoires latérales sont souvent plus petites. Les yeux constituent toutefois, chez ces poissons, la particularité la plus remarquable ; car ils occupent tous deux le côté supérieur de la tête. Dans le premier âge