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  Fécondité des variétés croisées. 343

exemple, que certains chiens domestiques indigènes de l’Amérique du Sud ne se croisent pas facilement avec les chiens européens, l’explication qui se présente à chacun, et probablement la vraie, est que ces chiens descendent d’espèces primitivement distinctes. Néanmoins, la fécondité parfaite de tant de variétés domestiques, si profondément différentes les unes des autres en apparence, telles, par exemple, que les variétés du pigeon ou celles du chou, est un fait réellement remarquable, surtout si nous songeons à la quantité d’espèces qui, tout en se ressemblant de très près, sont complètement stériles lorsqu’on les entrecroise. Plusieurs considérations, toutefois, suffisent à expliquer la fécondité des variétés domestiques. On peut observer tout d’abord que l’étendue des différences externes entre deux espèces n’est pas un indice sûr de leur degré de stérilité mutuelle, de telle sorte que des différences analogues ne seraient pas davantage un indice sûr dans le cas des variétés. Il est certain que, pour les espèces, c’est dans des différences de constitution sexuelle qu’il faut exclusivement en chercher la cause. Or, les conditions changeantes auxquelles les animaux domestiques et les plantes cultivées ont été soumis ont eu si peu de tendance à agir sur le système reproducteur pour le modifier dans le sens de la stérilité mutuelle, que nous avons tout lieu d’admettre comme vraie la doctrine toute contraire de Pallas, c’est-à-dire que ces conditions ont généralement pour effet d’éliminer la tendance à la stérilité ; de sorte que les descendants domestiques d’espèces qui, croisées à l’état de nature, se fussent montrées stériles dans une certaine mesure, finissent par devenir tout à fait fécondes les unes avec les autres. Quant aux plantes, la culture, bien loin de déterminer, chez les espèces distinctes, une tendance à la stérilité, a, au contraire, comme le prouvent plusieurs cas bien constatés, que j’ai déjà cités, exercé une influence toute contraire, au point que certaines plantes, qui ne peuvent plus se féconder elles-mêmes, ont conservé l’aptitude de féconder d’autres espèces ou d’être fécondées par elles. Si on admet la doctrine de Pallas sur l’élimination de la stérilité par une domestication prolongée, et il n’est guère possible de la repousser, il devient extrêmement improbable que les mêmes circonstances longtemps continuées puissent déterminer cette