Aller au contenu

Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
BAHIA BLANCA.

d’hui, à cause des nombreux coquillages enfouis avec les ossements et qui sont analogues à ceux qui habitent actuellement la baie ; mais c’eût été là une conclusion un peu aventurée, car quelques-uns de ces mêmes coquillages habitent les côtes si fertiles du Brésil ; d’ailleurs, le caractère des habitants de la mer ne permet pas ordinairement de juger quel peut être le caractère de ceux de la terre. Néanmoins les considérations suivantes me portent à penser que le simple fait de l’existence, dans les plaines de Bahia Blanca, de nombreux quadrupèdes gigantesques ne constitue pas la preuve d’une végétation abondante à une période éloignée de nous ; je suis même tout disposé à croire que le pays stérile, un peu plus au sud, près du rio Negro, avec ses arbres épineux dispersés çà et là, serait capable de nourrir beaucoup de grands quadrupèdes.

Les grands animaux ont besoin d’une abondante végétation : c’est là une phrase toute faite qui a passé d’un ouvrage à l’autre. Or je n’hésite pas à déclarer que c’est une donnée absolument fausse qui a contribué à égarer le raisonnement des géologues sur quelques points de grand intérêt relatifs à l’histoire antique du monde. On a, sans doute, puisé ce préjugé dans l’Inde et dans les îles indiennes, où les troupes d’éléphants, les nobles forêts, les jungles impénétrables vont toujours de compagnie. Si, au contraire, nous ouvrons une relation de voyage, quelle qu’elle soit, à travers les parties méridionales de l’Afrique, nous y verrons presque à chaque page des allusions au caractère aride du pays et au nombre des grands animaux qui l’habitent. Les nombreuses vues que l’on a rapportées de l’intérieur nous enseignent la même chose. Pendant une relâche du Beagle à Cape-Town, j’ai pu faire une excursion de plusieurs jours dans l’intérieur, excursion suffisante tout au moins pour me permettre de bien comprendre les descriptions que j’avais lues.

Le docteur Andrew Smith, qui, à la tête de son aventureuse expédition, est parvenu à traverser le tropique du Capricorne, m’apprend que, si l’on considère comme un tout la partie méridionale de l’Afrique, on ne peut douter que ce ne soit un pays stérile. Il y a de belles forêts sur les côtes du Sud et sur celles du Sud-Est ; mais, à ces exceptions près, on voyage souvent des journées entières à travers de larges plaines, où la végétation est fort rare et fort pauvre. Il est très-difficile de se faire une idée exacte des différents degrés de fertilité comparée ; mais je ne crois pas m’éloigner de la vérité en disant que la quantité de végétation existant à un moment