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BAHIA BLANCA.

mâle prêt à se charger de l’incubation ? Il est évident que deux femelles au moins doivent s’associer dans une certaine mesure, car autrement les œufs resteraient épars dans ces plaines immenses, à des distances beaucoup trop considérables les uns des autres pour que le mâle puisse les réunir dans un nid. Quelques auteurs croient que les œufs épars sont destinés à la nourriture des jeunes ; je doute qu’il en soit ainsi, en Amérique tout au moins, parce que, si les huachos sont pourris la plupart du temps, presque toujours aussi on les retrouve entiers.

Alors que j’étais au rio Negro dans la Patagonie septentrionale, les Gauchos me parlaient souvent d’un oiseau fort rare qu’ils appelaient Avestrus Petise. Beaucoup moins abondant que l’autruche ordinaire, fort commune dans ces parages, il lui ressemble beaucoup. D’après les quelques habitants qui avaient vu les deux espèces, l’Avestrus Petise est de teinte plus foncée, plus pommelée que l’autruche ; ses jambes sont plus courtes et ses plumes descendent plus bas ; enfin on le prend beaucoup plus facilement avec les bolas. Ils ajoutaient qu’on pouvait distinguer les deux espèces à une distance considérable. Les œufs de la petite espèce paraissent cependant plus généralement connus et on remarque avec surprise qu’on les trouve en quantité presque aussi considérable que ceux de la Rhea ; ils affectent une forme un peu différente et ont une légère teinte bleue. Cette espèce se rencontre très-rarement dans les plaines qui bordent le rio Negro. Mais elle est assez abondante à environ 1 degré et demi plus au sud. Pendant ma visite à Port-Desire, en Patagonie (latitude, 48 degrés), M. Martens tua une autruche. Je l’examinai et en arrivai à la conclusion que c’était une autruche commune qui n’était pas encore entièrement développée, car, chose fort singulière et que je ne puis m’expliquer, la pensée des Petises ne me revint pas en ce moment à l’esprit. On fit cuire l’oiseau et il était mangé avant que la mémoire me revînt. Heureusement, on avait conservé la tête, le cou, les jambes, les ailes, la plupart des grandes plumes et la plus grande partie de la peau. Je pus donc reconstituer un spécimen presque parfait, exposé aujourd’hui dans le musée de la Société zoologique. M. Gould, en décrivant cette nouvelle espèce, m’a fait l’honneur de lui donner mon nom.

J’ai trouvé au milieu des Patagons, dans le détroit de Magellan, un métis qui vivait depuis plusieurs années avec la tribu, mais qui était né dans les provinces du Nord. Je lui demandai s’il