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L’AVERTRUS PETISE.

avait jamais entendu parler de l’avestrus petise. Il me répondit ces mots : « Mais il n’y a pas d’autres autruches dans les provinces méridionales. » Il m’apprit que les nids des petises contiennent beaucoup moins d’œufs que ceux de l’autre espèce d’autruches ; il n’y en a guère, en effet, que quinze en moyenne ; mais il m’affirma qu’ils proviennent de différentes femelles. Nous avons vu plusieurs de ces oiseaux à Santa-Cruz ; ils sont extrêmement sauvages et je suis persuadé qu’ils ont la vue assez perçante pour apercevoir quiconque s’approche avant qu’on puisse les distinguer. Nous en avons vu fort peu en remontant le fleuve ; mais, pendant notre rapide descente, nous en avons aperçu beaucoup allant par bandes de quatre ou cinq. Cet oiseau, au moment de prendre sa course, n’étend pas ses ailes comme le fait l’autre espèce. Pour conclure, je puis ajouter que le Struthio Rhea habite le pays de la Plata et s’étend jusque par 41 degrés de latitude, un peu au sud du rio Negro, et que le Struthio Darwinii habite la Patagonie méridionale ; la vallée du rio Negro est un territoire neutre où l’on trouve les deux espèces. Alors que M. A. d’Orbigny[1] était au rio Negro, il fit les plus grands efforts pour se procurer cet oiseau, mais sans pouvoir y parvenir. Dobritzhoffer indiquait, il y a longtemps déjà, l’existence de deux sortes d’autruches ; il dit en effet[2] : « Vous devez savoir, en outre, que la taille et les habitudes des Emeus diffèrent dans les diverses parties du pays. Ceux qui habitent les plaines de Buenos Ayres et de Tucuman sont plus grands et ont des plumes blanches, noires et grises ; ceux qui habitent près le détroit de Magellan sont plus petits et plus beaux, car leurs plumes blanches ont l’extrémité noire, et réciproquement. »

On trouve ici, en quantités considérables, un petit oiseau fort singulier, le Thinocorus rumicivorus. Par ses habitudes, par son aspect général, il ressemble à la caille et à la bécasse, quelque différents que soient ces deux oiseaux. On rencontre les Thinocorus dans toute l’étendue des parties sud de l’Amérique méridionale, partout où il y a des plaines stériles ou des pâturages bien secs. Ils

  1. Pendant notre séjour au rio Negro, nous avons beaucoup entendu parler des immenses travaux de ce naturaliste. M. Alcide d’Orbigny a traversé, de 1825 à 1833, plusieurs parties de l’Amérique méridionale, où il a réuni une collection considérable. Il publie aujourd’hui les résultats de ces voyages avec une magnificence qui lui fait certainement occuper, après Humboldt, la première place sur la liste des voyageurs en Amérique.
  2. Account of the Abipones, 1749, vol. I, p. 314. Traduction anglaise.