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BAHIA BLANCA.

grés plus au sud que toutes les autres espèces ; une quatrième espèce, le Mulita, ne vient pas jusqu’à Bahia Blanca. Les quatre espèces ont à peu près les mêmes habitudes ; le Peludo, cependant, est un animal nocturne, tandis que les autres errent le jour dans les plaines, se nourrissent de scarabées, de larves, de racines et même de petits serpents. L’Apar, qu’on appelle ordinairement le Mataco, est remarquable en ce sens qu’il ne possède que trois bandes mobiles ; le reste de sa carapace est presque inflexible. Il a la faculté de se rouler en boule comme une espèce de cloporte anglais. Dans cet état il est garanti contre les attaques des chiens, car ceux-ci, ne pouvant pas le soulever en entier dans leur gueule, essayent de le mordre sur le côté, mais leurs crocs n’ont pas de prise sur cette boule qui roule devant eux ; aussi la carapace dure et polie du Mataco est-elle pour lui une défense encore meilleure que les piquants du hérisson. Le Pichy préfère les terrains très-secs ; il affectionne tout particulièrement les dunes de sable près du bord de la mer, dunes où, pendant des mois, il ne peut se procurer une seule goutte d’eau ; cet animal cherche souvent à échapper aux regards en se blottissant sur le sol. J’en rencontrais ordinairement plusieurs dans mes excursions de chaque jour dans les environs de Bahia Blanca. Si on veut attraper cet animal, il faut non pas descendre, mais se précipiter à bas de son cheval, car, quand le sol n’est pas trop dur, il creuse avec tant de rapidité que son train d’arrière disparaît avant qu’on ait eu le temps de poser le pied à terre. On éprouve certainement quelque remords à tuer un aussi joli animal ; car, comme me disait un Gaucho tout en en dépeçant un : Son tan mansos ! (Ils sont si doux !).

Il y a beaucoup d’espèces de reptiles. Un serpent (un Trigonocephalus ou Cophias) doit être fort dangereux, s’il faut en juger par la grandeur du conduit venimeux qui se trouve dans ses crochets. Cuvier, contrairement à l’opinion de quelques autres naturalistes, classe ce serpent comme un sous-genre du serpent à sonnettes et le place entre ce dernier et la vipère. J’ai observé un fait qui confirme cette opinion et qui me semble fort curieux et fort instructif, en ce qu’il prouve combien chaque caractère, bien que ce caractère puisse dans une certaine mesure être indépendant de la conformation, a une tendance à varier lentement. L’extrémité de la queue de ce serpent se termine par une pointe qui s’élargit très-légèrement. Or, quand l’animal glisse sur le sol, il fait constamment vibrer l’extrémité de sa queue, qui, en venant frapper contre les