Aller au contenu

Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
BAHIA BLANCA.

mal ne sait pas nager, mais, si je n’étais venu à son secours, je crois qu’il se serait bientôt noyé.

Il y a beaucoup d’espèces de lézards ; mais un seul (Proctotretus multimaculatus) a des habitudes quelque peu remarquables. Il vit sur le sable aride au bord de la mer ; ses écailles marbrées, brunes, tachetées de blanc, de rouge jaunâtre et de bleu sale, le font absolument ressembler à la surface environnante. Quand il est effrayé, il fait le mort et reste là, les pattes étendues, le corps aplati, les yeux fermés ; si on vient à le toucher, il s’enfonce dans le sable avec une grande rapidité. Ce lézard a le corps si plat et les pattes si courtes, qu’il ne peut pas courir vite.

J’ajouterai aussi quelques remarques sur l’hivernage des animaux dans cette partie de l’Amérique du Sud. À notre arrivée à Bahia Blanca, le 7 septembre 1832, notre première pensée fut que la nature avait refusé toute espèce d’animaux à ce pays sec et sablonneux. Toutefois, en creusant dans le sol, je trouvai plusieurs insectes, de grosses araignées et des lézards dans un état de demi-torpeur. Le 15, quelques animaux commencèrent à paraître, et le 18, quinze jours avant l’équinoxe, tout annonça le commencement du printemps. Oseille rose, pois sauvages, ænotherées et géraniums se couvrirent de fleurs qui émaillèrent les plaines. Les oiseaux commencèrent à pondre. De nombreux insectes, des lamellicornes et des hétéromères, ces derniers remarquables par leur corps si profondément sculpté, se traînaient lentement sur le sol ; tandis que la tribu des lézards, habitants habituels des terrains sablonneux, s’élançait dans toutes les directions. Pendant les onze premiers jours, alors que la nature était encore endormie, la température moyenne, déduite d’observations faites à bord du Beagle toutes les deux heures, fut de 51 degrés F. (10°,5 c.) ; au milieu du jour le thermomètre montait rarement au-dessus de 55 degrés F. (12°,7 c). Pendant les onze jours suivants, alors que toutes les créatures retrouvèrent leur activité, la température moyenne s’éleva à 58 degrés F. (14°,4 c.), et, au milieu du jour, le thermomètre indiquait de 60 à 70 degrés (15°,5 à 21°,1 c.). Ainsi donc, une augmentation de 7 degrés dans la température moyenne, mais une augmentation plus considérable de la chaleur maxima, suffit à éveiller toutes les fonctions de la vie. À Montevideo, que nous venions de quitter, dans les vingt-trois jours compris entre le 26 juillet et le 19 août, la température moyenne, déduite de deux cent soixante-seize observations, s’élevait à 58°,4 F. (14°,6 c.) ; la température moyenne