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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/121

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VIRGULARIA PATAGONICA.

du jour le plus chaud fut de 65°,5 F. (18°,6 c.), et celle du jour le plus froid, 46 degrés F. (7°,7 c). Le point le plus bas auquel tomba le thermomètre fut 41°,5 F. (5°,3 c.), et il monta quelquefois dans la journée jusqu’à 69 ou 70 degrés F. (20°,5 à 21°,1 c.). Cependant, malgré cette haute température, presque tous les scarabées, plusieurs genres d’araignées, les limaçons, les coquillages terrestres, les crapauds et les lézards étaient tous cachés sous des pierres, plongés dans la torpeur. Nous venons de voir au contraire qu’à Bahia Blanca, qui n’est qu’à 4 degrés plus au sud, et où, par conséquent, la différence du climat est fort minime, cette même température, avec une chaleur extrême un peu moindre, suffit à éveiller tous les ordres d’êtres animés. Ceci prouve combien le stimulant nécessaire pour faire sortir les animaux de l’état de torpeur engendré par l’hivernage est admirablement réglé par le climat ordinaire du pays et non pas par la chaleur absolue. On sait qu’entre les tropiques l’hivernage ou plutôt la torpeur d’été des animaux est déterminée, non pas par la température, mais par les moments de sécheresse. Je fus d’abord très-surpris d’observer, près de Rio de Janeiro, que de nombreux coquillages, de nombreux insectes bien développés, qui avaient dû être plongés dans la torpeur, peuplaient en quelques jours les moindres dépressions qui avaient été remplies d’eau. Humboldt a raconté un étrange accident, une hutte qui avait été élevée sur un endroit où un jeune crocodile était enfoui dans de la boue durcie. Il ajoute : « Les Indiens trouvent souvent d’énormes boas, qu’ils appellent uji ou serpents d’eau, plongés dans un état léthargique. Pour les ranimer, il faut les irriter ou les mouiller. »

Je ne citerai plus qu’un autre animal, un zoophyte (la Virgularia patagonica, je pense), une sorte de plume de mer. Il consiste en une tige mince, droite, charnue, avec des rangées alternantes de polypes de chaque côté et entourant un axe élastique pierreux, variant en longueur de 8 pouces à 2 pieds. À une de ses extrémités la tige est tronquée, mais l’autre extrémité se termine par un appendice charnu vermiforme. De ce dernier côté, l’axe pierreux, qui donne de la consistance à la tige, se termine par un simple vaisseau rempli de matières granulaires. À la marée basse on peut voir des centaines de ces zoophytes, le côté tronqué en l’air, dépassant de quelques pouces la surface de la boue, comme le chaume dans un champ après la moisson. Dès qu’on le touche ou qu’on le tire, l’animal se retire avec force, de façon à disparaître presque