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GRANDE SÉCHERESSE.

devenu subséquemment le centre d’un système d’affaissement.

Quand l’Amérique, et surtout l’Amérique septentrionale, possédait ses éléphants, ses mastodontes, son cheval et ses ruminants à cornes creuses, elle ressemblait beaucoup plus qu’aujourd’hui, au point de vue zoologique, aux parties tempérées de l’Europe et de l’Asie. Comme on retrouve les restes de ces genres des deux côtés du détroit de Behring[1] et dans les plaines de la Sibérie, nous nous trouvons amenés à considérer le côté nord-ouest de l’Amérique du Nord comme l’ancien point de communication entre l’ancien monde et ce qu’on appelle le nouveau monde. Or, comme tant d’espèces, vivantes et éteintes, de ces mêmes genres ont habité et habitent encore l’ancien monde, il semble très-probable que les éléphants, les mastodontes, le cheval et les ruminants à cornes creuses de l’Amérique septentrionale ont pénétré dans ce pays en passant sur des terres, affaissées depuis, auprès du détroit de Behring ; et de là, passant sur des terres, submergées aussi depuis, dans les environs des Indes occidentales, ces espèces ont pénétré dans l’Amérique du Sud, où, après s’être mêlées pendant quelque temps aux formes qui caractérisent ce continent méridional, elles ont fini par s’éteindre.

Pendant mon voyage, on me raconta en termes exagérés quels avaient été les effets de la dernière grande sécheresse. Ces récits peuvent jeter quelque lumière sur les cas où un grand nombre d’animaux de toutes sortes ont été trouvés enfouis ensemble. On appelle le gran seco ou la grande sécheresse la période comprise entre les années 1827 et 1832. Pendant ce temps il tomba si peu de pluie, que la végétation disparut et que les chardons eux-mêmes ne poussèrent pas. Les ruisseaux tarirent et le pays tout entier prit l’aspect d’une route poussiéreuse. Cette sécheresse se fit surtout sentir dans la partie septentrionale de la province de Buenos Ayres et dans la partie méridionale de la province de Santa-Fé. Un grand nombre d’oiseaux, d’animaux sauvages, de bestiaux et de chevaux périrent de faim et de soif. Un homme me

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    M. Gervais affirme qu’on y trouve le Didelphis cancrivora. Il est certain que les Indes occidentales possèdent quelques mammifères qui leur sont propres. On a rapporté de Bahama la dent d’un mastodonte (Edinb. New Philosoph. Journal, 1826, p. 395)

  1. Voir l’admirable appendice que le docteur Buckland a ajouté au Voyage de Beechey ; voir aussi les notes de Chamisso dans le Voyage de Kotzebue.