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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/164

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LE RIO PARANA.

savana), que les Espagnols appellent Queue-en-ciseaux, est très-commun près de Buenos Ayres. Il se pose ordinairement sur une branche de l’ombu, près d’une maison, s’élance de là pour poursuivre les insectes, et revient se percher au même endroit. Sa manière de voler et son aspect général, le font absolument ressembler à l’hirondelle ordinaire ; il a la faculté de tourner très-court dans l’air et, ce faisant, il ouvre et referme sa queue quelquefois dans un plan horizontal ou oblique, quelquefois dans un plan vertical, exactement comme s’ouvre et se ferme une paire de ciseaux.

16 octobre. — À quelques lieues au-dessous de Rozario commence, sur la rive occidentale du Parana, une ligne de falaises perpendiculaires qui s’étend jusqu’au-dessous de San-Nicolas ; aussi, se croirait-on plutôt sur la mer que sur un fleuve. Les bords du Parana étant formés par des terres très-molles, les eaux sont boueuses, ce qui diminue beaucoup la beauté de ce fleuve. L’Uruguay, au contraire, coule à travers un pays granitique, aussi ses eaux sont-elles beaucoup plus limpides. Quand ces deux fleuves se réunissent pour former le rio de la Plata on peut, pendant fort longtemps, distinguer les eaux de ces deux fleuves à leur teinte noire et rouge. Dans la soirée, le vent devient peu favorable ; cependant nous nous arrêtons immédiatement, comme à l’ordinaire ; le lendemain il vente assez fort, mais dans une bonne direction pour nous, le patron toutefois est trop indolent pour penser à partir. On m’avait dit à Bajada que c’était un homme difficile à émouvoir, on ne m’avait pas trompé, car il supporte tous les délais avec une admirable résignation. C’est un vieil Espagnol établi depuis longtemps dans ce pays. Il se prétend grand ami des Anglais, mais il soutient qu’ils n’ont remporté la victoire de Trafalgar que parce qu’ils ont acheté les capitaines espagnols, et que le seul acte de bravoure accompli dans la journée est celui de l’amiral espagnol. N’est-ce pas caractéristique ? Voilà un homme qui aime mieux croire que ses compatriotes sont les plus abominables traîtres que de penser qu’ils sont lâches ou inhabiles.

18 et 19 octobre. — Nous continuons à descendre lentement ce fleuve magnifique ; le courant ne nous aide guère. Nous rencontrons fort peu de navires. On semble réellement dédaigner ici un des dons les plus précieux de la nature, cette voie magnifique de communication, un fleuve où des navires pourraient relier deux pays, l’un ayant un climat tempéré et où certains produits abon-