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LE BANDA ORIENTAL.

état lorsqu’on la découvrit ; mais des gamins brisèrent une partie des dents à coups de pierres ; ils avaient choisi cette tête comme but. Je fus assez heureux pour trouver, à environ 180 milles de cet endroit, sur les bords du rio Tercero, une dent parfaite qui remplissait exactement une des alvéoles. Je trouvai aussi les restes de cet animal extraordinaire en deux autres endroits ; j’en conclus qu’il devait être autrefois fort commun. Je trouvai aussi au même endroit quelques parties considérables de la carapace d’un animal gigantesque, ressemblant à un Tatou et partie de la grosse tête d’un Mylodon. Les ossements de cette tête sont si récents, qu’ils contiennent, selon l’analyse faite par M. T. Reeks, 7 pour 100 de matières animales ; placés dans une lampe à esprit-de-vin, ces ossements brûlent en émettant une petite flamme. Le nombre des restes enfouis dans le grand dépôt qui forme les Pampas et qui recouvre les roches granitiques du Banda oriental, doit être extraordinairement considérable. Je crois qu’une ligne droite tracée dans quelque direction que ce soit à travers les Pampas couperait quelque squelette, ou quelque amas d’ossements. Outre les ossements que j’ai trouvés pendant mes courtes excursions, j’ai entendu parler de beaucoup d’autres, et on comprend facilement d’où proviennent les noms de Rivière de l’animal, Colline du géant, etc. En d’autres endroits j’ai entendu parler de la propriété merveilleuse que possèdent certains fleuves de changer les petits ossements en grands ossements ; ou, selon d’autres versions, les ossements eux-mêmes grandissaient. Autant que j’ai pu étudier cette question, aucun de ces animaux n’a, comme on le supposait anciennement, péri dans les marécages ou les rivières boueuses du pays tel qu’il est aujourd’hui ; je suis persuadé, au contraire, que ces ossements ont été mis à nu par les cours d’eau qui coupent les dépôts subaqueux où ils ont été précédemment enfouis. Dans tous les cas, il est une conclusion à laquelle on arrive forcément, c’est que la superficie entière des Pampas constitue une immense sépulture pour ces quadrupèdes gigantesques éteints.

Le 28, dans la journée, après deux jours et demi de voyage, nous arrivons à Montevideo. Tout le pays que nous avons traversé conserve le même caractère uniforme ; en quelques endroits, cependant, il est plus montueux et plus rocheux que près de la Plata. À quelque distance de Montevideo nous traversons le village de Las Pietras, qui doit ce nom à quelques grosses masses arrondies