Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
GÉOLOGIE DE LA PATAGONIE.

formées d’une pierre blanche, tendre, toute particulière, renfermant beaucoup de gypse et ressemblant à de la craie, mais réellement d’une nature ponceuse. Cette pierre est fort remarquable en ce que la dixième partie au moins de son volume se compose d’infusoires ; le professeur Ehrenberg a déjà reconnu dix formes océaniques parmi ces infusoires. Cette couche s’étend le long de la côte sur une longueur de 500 milles (800 kilomètres) au moins et, très-probablement, elle est plus longue encore. Au port Saint-Julien, elle atteint une épaisseur de plus de 800 pieds ! Ces couches blanches sont partout recouvertes d’une masse de galets, masse qui constitue probablement la couche la plus considérable de cailloux qui soit au monde. Elle s’étend certainement à partir du rio Colorado sur un espace de 600 ou 700 milles nautiques vers le sud ; sur les rives du Santa Cruz (fleuve qui se trouve un peu au sud de Saint-Julien), elle va toucher les derniers contre-forts de la Cordillère ; vers le milieu du cours de ce fleuve, elle atteint une épaisseur de plus de 200 pieds. Elle s’étend probablement partout jusqu’à la chaîne des Cordillères, d’où proviennent les cailloux de porphyre roulés ; en résumé, nous pouvons lui attribuer une largeur moyenne de 200 milles (320 kilomètres) et une épaisseur moyenne d’environ 30 pieds (15 mètres). Si on empilait cette immense couche de cailloux, sans s’occuper de la boue que leur frottement a nécessairement produite, on formerait une grande chaîne de montagnes. Et, quand on considère que ces cailloux, aussi innombrables que les grains de sable dans le désert, proviennent tous du lent écroulement des rochers le long d’antiques falaises sur le bord de la mer et sur les rives des fleuves ; quand on considère que ces immenses fragments de rochers ont eu à se concasser en morceaux plus petits ; que chacun d’eux a été lentement roulé jusqu’à ce qu’il se soit parfaitement arrondi, que chacun d’eux a été transporté à une distance considérable, on reste stupéfait en pensant au nombre incroyable d’années qui ont dû nécessairement s’écouler pour que ce travail s’accomplisse. Or, tous ces galets ont été transportés et probablement arrondis après le dépôt des couches blanches et longtemps après la formation des couches inférieures qui contiennent les coquillages appartenant à l’époque tertiaire.

Sur ce continent méridional, tout s’est fait sur une grande échelle. Les terres, depuis le rio de la Plata jusqu’à la Terre de Feu, une distance de 1200 milles (1930 kilomèlres), ont été soulevées en masse (et en Patagonie à une hauteur de 300 à 400 pieds)