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PATAGONIE.

peut-être est-il plus stérile encore. Un jour, nous accompagnons le capitaine Fitz-Roy dans une longue promenade autour de la baie. Nous restons onze heures sans trouver une seule goutte d’eau ; aussi quelques-uns de nos camarades sont-ils épuisés. Du sommet d’une colline (que nous avons depuis et avec raison nommée la colline de la Soif) nous apercevons un beau lac, et deux d’entre nous s’y rendent après avoir convenu de signaux pour faire venir les autres, si c’est un lac d’eau douce. Quel n’est pas notre désappointement en nous trouvant devant un espace immense recouvert de sel, blanc comme la neige et cristallisé en cubes immenses ! Nous attribuons notre soif excessive à la sécheresse de l’atmosphère ; mais, quelle qu’en soit la cause, nous sommes fort heureux de retrouver nos bateaux dans la soirée. Bien que, pendant toute notre excursion, nous n’ayons pas pu trouver une seule goutte d’eau douce, il doit cependant y en avoir, car, par un hasard singulier, je trouvai à la surface de l’eau salée, près de l’extrémité de la baie, un Colymbetes qui n’était pas tout à fait mort et qui avait dû vivre dans un étang peu éloigné. Trois autres insectes (une cicindèle, ressemblant à l’hybride ; un Cymindis et un Harpalus, qui vivent tous dans les marécages recouverts de temps en temps par la mer) et un autre insecte trouvé mort dans la plaine complètent la liste des scarabées que j’ai trouvés dans ces parages. Ou rencontre en nombre considérable une assez grosse mouche (Tabanus) ; ces mouches ne cessèrent de nous tourmenter, et leur piqûre est assez douloureuse. Le taon, qui est si désagréable sur les routes ombragées de l’Angleterre, appartient au même genre que cette mouche. Ici se représente l’énigme qui se dresse si souvent quand il est question de moustiques — du sang de quels animaux ces insectes se nourrissent-ils ordinairement ? Dans les environs du port Saint-Julien, le guanaco est à peu près le seul animal à sang chaud, et on peut dire qu’il est fort rare, si on le compare à la multitude innombrable des mouches.


La géologie de la Patagonie présente un grand intérêt. Tout au contraire de l’Europe, où les formations tertiaires se sont accumulées dans les baies, nous trouvons ici le long de centaines de milles de côtes un seul grand dépôt, renfermant un nombre considérable de coquillages tertiaires, tous apparemment éteints. Le coquillage le plus commun est une huître massive, gigantesque, qui atteint parfois 1 pied de diamètre. Ces couches sont recouvertes par d’autres,