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EXPLORATION DU SANTA CRUZ.

fait de nombreux détours dans une vallée qui s’étend en droite ligne vers l’ouest. Cette vallée a de 5 à 10 milles de largeur ; elle est bornée par des terrasses qui s’élèvent ordinairement comme des degrés, les unes au-dessus des autres, jusqu’à une hauteur de 500 pieds ; il y a une coïncidence frappante entre les deux côtés de la vallée.

19 avril. — Il n’y a pas à songer à se servir de la voile ou de la rame contre un courant si rapide ; on attache donc les trois bateaux en file l’un derrière l’autre, on laisse deux hommes à bord de chacun d’eux et le reste de l’équipage met pied à terre pour remorquer les trois embarcations. Je vais décrire en deux mots le système imaginé par le capitaine Fitz-Roy, parce qu’il est excellent pour faciliter le travail de tous, travail auquel chacun prend part. Il divise notre expédition en deux escouades, dont chacune remorque alternativement les bateaux pendant une heure et demie. Les officiers de chaque bateau accompagnent leur équipage ; ils prennent part aux repas de leurs hommes et partagent la même tente qu’eux ; chaque bateau est donc absolument indépendant des deux autres. Après le coucher du soleil on s’arrête au premier endroit plat, couvert de buissons, et on y établit le bivouac pour la nuit. Chaque homme de l’équipage remplit à son tour les fonctions de cuisinier. Dès que les bateaux ont été amenés en face de l’endroit où on a décidé de bivouaquer, le cuisinier allume son feu ; deux autres dressent la tente ; le contre-maître sort des bateaux les effets dont on doit se servir pendant la nuit ; les hommes les portent dans les tentes pendant que les autres ramassent du bois. Tout est si bien réglé, qu’en une demi-heure tout est prêt pour la nuit. Nous nous endormons tous sous la garde d’un officier et de deux hommes chargés de veiller sur les embarcations, d’entretenir le feu et de surveiller les Indiens. Chaque homme de la troupe doit veiller une heure par nuit.

Pendant cette journée nos progrès sont très-lents, car le fleuve est entrecoupé d’îles couvertes de buissons épineux et les bras du fleuve entre ces îles sont peu profonds.

20 avril. — Nous dépassons les îles et nous marchons activement en avant. Nous ne faisons guère, en moyenne, que 10 milles par jour à vol d’oiseau, ce qui représente environ 15 ou 20 milles, et cela au prix de grandes fatigues. À partir de l’endroit où nous avons bivouaqué la nuit dernière, le pays devient absolument une terra incognita, car c’est à ce point que le capitaine Stokes s’est arrêté.