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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/225

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MANIÈRE DE FAIRE LE FEU.

pointe du détroit de Choiseul ou péninsule du sud-ouest. Nous nous trouvions dans une vallée assez bien défendue contre les vents froids, mais nous ne pûmes trouver de bois pour faire du feu. Les Gauchos, à ma grande surprise, se procurèrent bientôt cependant de quoi faire un feu aussi ardent qu’un brasier de charbon de terre : c’était le squelette d’un taureau récemment tué et dont les vautours avaient nettoyé les os. Ces hommes me dirent qu’en hiver ils tuaient souvent un animal, grattaient les os avec leurs couteaux et se servaient du squelette pour faire cuire leur souper.

18 mars. — Il pleut presque toute la journée. Nous parvenons cependant, en nous roulant dans nos couvertures de cheval, à passer la nuit assez chaudement et sans trop être mouillés ; cela nous enchante d’autant plus que, jusque-là, nous avions dû, après nos fatigantes journées de voyage, coucher sur des terrains tourbeux, dans l’impossibilité de trouver un endroit un peu sec. J’ai déjà eu occasion de faire remarquer combien il est singulier qu’il n’y ait absolument aucun arbre sur ces îles, bien que la Terre de Feu ne soit qu’une immense forêt. L’arbrisseau le plus considérable qui se trouve dans l’île appartient à la famille des composées, il est à peine aussi grand que notre bruyère. Une petite plante verte, qui atteint à peu près la même taille que les bruyères qui couvrent nos landes, constitue le meilleur combustible que l’on puisse se procurer ici ; cette plante a la propriété de brûler alors qu’elle est toute verte et fraîchement arrachée. Je me suis souvent amusé à voir les Gauchos allumer du feu à l’aide d’un briquet et d’un peu d’amadou, par une pluie battante et alors que tout est mouillé autour d’eux. Ils cherchent, sous les touffes d’herbe, quelques petits rameaux aussi secs que possible et les réduisent en brins de la grosseur d’une allumette ; puis ils entourent ces fibres de morceaux un peu plus gros et disposent le tout sous la forme d’un nid d’oiseau, au milieu duquel ils placent le morceau d’amadou enflammé. On expose alors ce nid au vent, le paquet se met à fumer, puis enfin les flammes se font jour. Je ne crois pas qu’on puisse espérer allumer du feu avec des matériaux aussi humides en employant une autre méthode.

19 mars. — Il y avait quelque temps que je n’étais monté à cheval, aussi je me sentais courbaturé chaque matin. J’ai été tout surpris d’apprendre que les Gauchos, qui depuis leur plus tendre enfance passent presque toute leur vie à cheval, souffrent toujours dans des circonstances analogues. Saint-Iago me raconte que,