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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/227

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TRAINÉES DE PIERRES.

argileuse et de grès qui contiennent des fossiles ressemblant beaucoup à ceux que l’on trouve dans les collines siluriennes de l’Europe, bien qu’ils ne soient pas exactement identiques. Les collines sont formées de roches de quartz blanc granulaire. Ces couches de quartz sont fréquemment arquées avec la plus parfaite symétrie, aussi l’aspect de quelques-unes de ces masses est-il fort singulier. Pernety[1] a consacré plusieurs pages à la description d’une colline en ruines, dont il a justement comparé les couches successives aux sièges d’un amphithéâtre. Les roches quartzeuses ont dû revêtir ces formes alors qu’elles étaient à l’état pâteux, autrement elles se seraient brisées en fragments. Comme le quartz se transforme insensiblement en grès, il semble probable que le quartz doit son origine à ce que le grès a été chauffé à un tel degré, qu’il est devenu visqueux et qu’il a cristallisé en se refroidissant. Il a dû traverser, en les rompant, les couches supérieures alors qu’il était à l’état liquide.

Dans bien des parties de l’île le fond des vallées est recouvert de la façon la plus extraordinaire par des myriades de gros fragments angulaires de roc quartzeux, formant de véritables coulées de pierres. Tous les voyageurs, depuis Pernety jusqu’à nos jours, parlent de ces dépôts de pierres avec la plus grande surprise. Ces blocs n’ont pas été charriés par l’eau, car leurs angles sont fort peu arrondis ; leur grosseur varie de 1 à 2 pieds en diamètre à dix et à vingt fois autant. Ils ne se trouvent pas en masses irrégulières, mais sont étendus en grandes couches de niveau et forment en somme de véritables rivières. Il est impossible de savoir quelle est l’épaisseur de ces couches, mais on peut entendre l’eau des petits ruisseaux s’écouler de pierre en pierre, bien des pieds au-dessous de la surface. La profondeur totale de ces couches doit probablement être très-considérable, parce que le sable a dû remplir depuis longtemps les interstices entre les fragments inférieurs. La largeur de ces couches de pierres varie de quelques centaines de pieds à un mille (1609 mètres), mais les dépôts tourbeux empiètent chaque jour sur les bords et forment même des îles partout où quelques fragments se trouvent assez rapprochés les uns des autres pour offrir un point de résistance. Dans une vallée au sud du détroit de Berkeley, vallée à laquelle mes compagnons donnèrent le nom de grande vallée des fragments, il nous fallut traverser une couche de

  1. Pernety, Voyage aux îles Malouines, p. 526.