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LES ILES FALKLAND.

L’étude de ces animaux composés m’a toujours vivement intéressé. Que peut-il y avoir de plus remarquable que de voir un corps ressemblant à une plante produisant un œuf doué de la faculté de nager et de choisir un endroit convenable pour s’y fixer ? Puis cet œuf se développe sous forme de branchages, portant chacun d’innombrables animaux distincts, qui ont souvent des organismes fort compliqués. Ces branchages, en outre, portent quelquefois, comme nous venons de le voir, des organes qui ont la faculté de se mouvoir et qui sont indépendants des polypes. Quelque surprenante que doive toujours paraître cette réunion d’individus distincts sur une tige commune, chaque arbre nous présente le même phénomène, car on doit considérer ses bourgeons comme autant de plantes individuelles. Toutefois il paraît tout naturel de considérer un polype qui possède une bouche, des intestins et d’autres organes comme un individu distinct, tandis que l’individualité d’un bourgeon ne se conçoit pas aussi facilement. Aussi la réunion d’individus distincts sur un corps commun est-elle plus frappante dans une colonie de zoophytes que dans un arbre. On conçoit plus facilement ce que peut être un animal composé dont, sous quelques rapports, l’individualité de chacune des parties n’est pas complète, si l’on se souvient que l’on peut produire deux créatures distinctes en en coupant une seule avec un couteau, et que la nature elle-même se charge souvent de la bisection. Nous pouvons considérer les polypes d’un zoophyte ou les bourgeons d’un arbre comme des cas où la division de l’individu ne s’est pas complètement opérée. Il est certain que, dans le cas des arbres et, à en juger par analogie, dans le cas des zoophytes, les individus propagés au moyen de bourgeons semblent avoir entre eux une parenté bien plus intime que celle qui existe entre les œufs ou les graines et leurs parents. Il semble maintenant bien établi que les plantes propagées au moyen de bourgeons ont toutes une vie égale en durée ; et chacun sait quels caractères singuliers et nombreux se transmettent sûrement au moyen des bourgeons, des boutures et des greffes, caractères qui ne se transmettent jamais ou qui ne se transmettent que bien rarement par la propagation séminale.