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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/242

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LA TERRE DE FEU.

nent tous à la même espèce, le Fagus betuloides ; il y a, en outre, un fort petit nombre d’autres espèces de Fagus. Ce hêtre conserve ses feuilles pendant toute l’année, mais son feuillage affecte une couleur vert brunâtre légèrement teintée de jaune toute particulière. Le paysage entier revêt cette teinte ; aussi offre-t-il un aspect sombre et morne. Il est bien rare d’ailleurs que les rayons du soleil l’égayent un peu.

20 décembre. — Une colline ayant environ 1500 pieds de hauteur forme un des côtés de la baie où nous nous trouvons. Le capitaine Fitz-Roy lui donne le nom de Sir J. Banks en souvenir de la malheureuse excursion qui coûta la vie à deux hommes de son équipage et d’où le docteur Solander pensa ne pas revenir. La tempête de neige, cause de leur infortune, se déchaîna au milieu de janvier, qui correspond à notre mois de juillet, et cela dans la latitude de Durham ! Je désirais beaucoup atteindre le sommet de cette montagne pour recueillir des plantes alpestres, car dans les terres basses il y a fort peu de fleurs, de quelque nature que ce soit. Nous suivons jusqu’à sa source le torrent que j’avais déjà suivi la veille, et à partir de ce point nous sommes forcés de nous ouvrir un passage à travers les arbres. En conséquence de l’élévation à laquelle ils poussent et des vents impétueux qui règnent sur ces hauteurs, ces arbres sont épais, rabougris, tordus en tous sens. Nous arrivons enfin à ce que d’en bas nous avions pris pour un tapis de beau gazon vert ; mais nous trouvons malheureusement une masse compacte de petits bouleaux ayant 4 ou 5 pieds de hauteur. Ils sont certainement aussi épais que les bordures de buis dans nos jardins et, dans l’impossibilité de nous ouvrir un chemin à travers ces arbres, nous sommes obligés de marcher à la surface. Après bien des fatigues nous atteignons enfin la région tourbeuse et, un peu plus loin, le rocher nu.

Un étroit plateau relie cette montagne à une autre, distante de quelques milles ; cette montagne est plus élevée, car elle est en partie couverte de neige. Comme il est encore de bonne heure, nous nous décidons à nous y rendre tout en herborisant. Nous sommes sur le point de renoncer à cette excursion, tant la route est difficile, quand nous trouvons un sentier fort droit et fort bien battu, tracé par les guanacos ; ces animaux, en effet, tout comme les moutons, se suivent toujours à la file. Nous atteignons la colline, c’est la plus élevée qui se trouve dans le voisinage immédiat ; les eaux qui en proviennent s’écoulent vers la mer dans une autre direction.