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LE CAP HORN.

Nous jouissons d’un magnifique coup d’œil sur le pays environnant ; au nord s’étend un terrain marécageux, mais au sud nous apercevons une scène sauvage et magnifique bien digne de la Terre de Feu. Quelle grandeur mystérieuse dans ces montagnes qui s’élèvent les unes derrière les autres en laissant entre elles de profondes vallées, montagnes et vallées recouvertes par une sombre masse de forêts impénétrables ! Dans ce climat, où les tempêtes se succèdent presque sans interruption avec accompagnement de pluie, de grêle et de neige, l’atmosphère semble plus sombre que partout ailleurs. On peut admirablement juger de cet effet, quand, dans le détroit de Magellan, on regarde vers le sud ; vus de cet endroit, les nombreux canaux qui s’enfoncent dans les terres, entre les montagnes, revêtent des teintes si sombres, qu’ils semblent conduire hors des limites de ce monde.

21 décembre. — Le Beagle met à la voile. Le lendemain, grâce à une excellente brise de l’est, nous nous approchons des Barnevelts. Nous passons devant les immenses rochers qui forment le cap Deceit, et, vers trois heures, nous doublons le cap Horn, battu par les tempêtes. La soirée est admirablement calme, et nous pouvons jouir du magnifique spectacle qu’offrent les îles voisines. Mais le cap Horn semble exiger que nous lui payions son tribut, et, avant qu’il soit nuit close, il nous envoie une effroyable tempête qui souffle juste en face de nous. Nous devons gagner la haute mer, et, le lendemain, en nous approchant à nouveau de la terre, nous apercevons ce fameux promontoire, mais cette fois avec tous les caractères qui lui conviennent, c’est-à-dire enveloppé de brouillards et entouré d’un véritable ouragan de vent et d’eau. D’immenses nuages noirs obscurcissent le ciel, les coups de vent, la grêle nous assaillent avec une si extrême violence, que le capitaine se détermine à gagner, si faire se peut, Wigwam Cove. C’est un excellent petit port situé à peu de distance du cap Horn ; nous y jetons l’ancre par une mer fort calme la veille même de Noël. Un coup de vent, qui descend des montagnes et qui fait bondir le vaisseau sur ses ancres, nous rappelle de temps en temps la tempête qui règne au dehors de cet excellent abri.

22 décembre. — Tout auprès du port s’élève à la hauteur de 1700 pieds une colline appelée le Pic de Kater. Toutes les îles environnantes consistent en masses coniques de grès vert mélangé quelquefois à des collines moins régulières de schiste argileux qui a subi l’action du feu. On peut considérer cette partie de la Terre