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LA TERRE DE FEU.

distinguer que les lignes qui se détachent sur le ciel ; aussi la masse entière présente-t-elle un admirable relief. Plusieurs glaciers descendent en serpentant de ces champs de neige jusqu’à la côte ; on peut les comparer à d’immenses Niagaras congelés, et peut-être ces cataractes de glace bleue sont-elles tout aussi belles que les cataractes d’eau courante.

Le soir nous atteignons la partie occidentale du canal, mais l’eau est si profonde en cet endroit, que nous ne pouvons trouver de mouillage. Il nous faut donc courir des bordées dans cet étroit bras de mer pendant une nuit fort noire qui dure quatorze heures.

10 juin. — Dans la matinée nous entrons enfin dans l’océan Pacifique. La côte occidentale de la Terre de Feu consiste ordinairement en collines de grès et de granit, collines basses, arrondies, absolument stériles. Sir J. Narborough a donné à une partie de cette côte le nom de Désolation du Sud parce que « cette terre offre aux yeux le spectacle de la désolation, » et il faut dire que ce nom convient bien à cette côte. Au large des îles principales se trouvent d’innombrables rochers sur lesquels les longues lames de l’Océan viennent incessamment se briser. Nous passons entre les Furies occidentales et orientales ; un peu plus loin, au nord, se trouve la Voie lactée, passage ainsi nommé parce qu’il y a un si grand nombre d’écueils, que la mer est toujours blanche d’écume. Un coup d’œil jeté sur une telle côte suffirait à quiconque n’est pas habitué à la mer pour qu’il rêvât pendant huit jours de naufrages, de dangers et de mort. C’est en jetant un dernier regard sur cette terrible scène que nous prenons congé pour toujours de la Terre de Feu.


Quiconque ne s’intéresse pas au climat des parties méridionales du continent américain par rapport à ses productions, à la limite des neiges, à la marche si extraordinairement lente des glaciers, à la zone de congélation perpétuelle dans les îles antarctiques, peut passer la discussion suivante sur ces curieux sujets, ou se contenter de lire la récapitulation que je donne un peu plus loin. Je n’en donnerai cependant qu’un extrait, renvoyant pour les détails au treizième chapitre et à l’appendice de la première édition de cet ouvrage.

Sur le climat et les productions de la Terre de Feu et de la côte du Sud-Ouest. — La table suivante indique la température moyenne