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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/291

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VALLÉE DE QUILLOTA.

Santiago, San Fernando. Ces bassins ou ces plaines, si on aime mieux leur donner ce nom, ainsi que les vallées plates transversales (comme celle de Quillota) qui les relient à la côte, sont, j’en suis persuadé, le fond d’anciennes baies semblables à celles qui, aujourd’hui, découpent si profondément toutes les parties de la Terre de Feu et de la côte occidentale plus au sud. Le Chili doit avoir anciennement ressemblé à ce dernier pays par la distribution de la terre et des eaux. De temps en temps cette ressemblance devient frappante, surtout quand un brouillard épais recouvre comme d’un manteau toutes les parties inférieures du pays ; les vapeurs blanches roulant dans les ravins représentent, à s’y méprendre, autant de baies et de petits havres, tandis que çà et là une colline solitaire, émergeant du brouillard, indique une île ancienne. Le contraste de ces vallées et de ces bassins plats avec les montagnes irrégulières qui les entourent donne au paysage un caractère qu’il ne m’a encore été donné de voir nulle part et qui m’intéresse beaucoup.

Ces plaines s’inclinent naturellement vers la côte ; aussi sont-elles fort bien arrosées et en conséquence très-fertiles. Sans cette irrigation, la terre ne produirait presque rien, car, pendant l’été tout entier, aucun nuage ne vient ternir la pureté du ciel. On trouve çà et là sur les montagnes et sur les collines quelques arbres rabougris, mais, en dehors de cela, à peine y a-t-il une végétation. Chaque propriétaire dans la vallée possède une certaine partie de colline où ses bestiaux à demi sauvages parviennent cependant à subsister, quelque considérable que soit leur nombre. Une fois par an, on fait ce qu’on appelle un grand rodeo, c’est-à-dire qu’on fait descendre tous les bestiaux dans la vallée, on les compte, on les marque et on en sépare quelques-uns que l’on fait engraisser dans des prairies artificielles. On cultive dans ces vallées beaucoup de blé et de maïs ; cependant le principal aliment des paysans est une espèce de fève. Les vergers produisent des pêches, des figues et des raisins en très-grande abondance. Avec tous ces avantages, les habitants du pays devraient être beaucoup plus prospères qu’ils ne le sont réellement.

16 août. — Le majordome de l’hacienda est assez aimable pour me donner un guide et des chevaux frais et nous partons dans la matinée pour faire l’ascension de la Campana, ou montagne de la Cloche, qui atteint une élévation de 6400 pieds (1920 mètres). Les chemins sont affreux, mais les particularités géologiques et le splendide paysage qu’on découvre à chaque instant compensent notre