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BAHIA. — BRÉSIL.

de l’Orénoque, du Nil et du Congo sont recouvertes d’une substance noire et semblent avoir été polies avec de la plombagine. Cette couche, extrêmement mince, a été analysée par Berzélius et, selon lui, elle se compose d’oxydes de fer et de manganèse. Sur l’Orénoque, cette couche noire se trouve sur les rochers recouverts périodiquement par les inondations et seulement aux endroits où le fleuve a un courant très-rapide, ou, pour employer l’expression des Indiens, « les rochers sont noirs là où les eaux sont blanches ». Dans le petit ruisseau dont je parle, le revêtement des rochers est d’un beau brun au lieu d’être noir et me semble composé seulement de matières ferrugineuses. Des spécimens de collection ne sauraient donner une juste idée de ces belles roches brunes, admirablement polies, qui resplendissent aux rayons du soleil. Bien que le ruisseau coule toujours, le revêtement ne se produit qu’aux endroits où les hautes vagues viennent battre de temps en temps le rocher, ce qui prouve que le ressac doit servir d’agent polisseur quand il s’agit des cataractes des grandes rivières. Le mouvement de la marée doit aussi correspondre aux inondations périodiques ; le même effet se produit donc dans des circonstances qui semblent toutes différentes, mais qui au fond sont analogues. On ne peut guère expliquer cependant l’origine de ces revêtements d’oxydes métalliques qui semblent cimentés aux rochers, et on peut, je crois, expliquer encore moins que leur épaisseur reste toujours la même.

Je m’amusai beaucoup un jour à étudier les habitudes d’un Diodon antennatus qu’on avait pris près de la côte. On sait que ce poisson, à la peau flasque, possède la singulière faculté de se gonfler de façon à se transformer presque en une boule. Si on le sort de l’eau pendant quelques instants, il absorbe, dès qu’on le remet à la mer, une quantité considérable d’eau et d’air par la bouche et peut-être aussi par les branchies. Il absorbe cette eau et cet air par deux moyens différents : il aspire fortement l’air qu’il repousse ensuite dans la cavité de son corps, et il l’empêche de ressortir au moyen d’une contraction musculaire visible à l’extérieur. L’eau, au contraire, entre de façon continue dans sa bouche qu’il tient ouverte et immobile ; cette inglutition de l’eau doit donc dépendre d’une succion. La peau de l’abdomen est beaucoup plus flasque que celle du dos, aussi, quand ce poisson se gonfle, le ventre se distend-il beaucoup plus à la surface inférieure qu’à la surface supérieure et, en conséquence, il flotte le dos en