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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/301

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ILES FLOTTANTES.

trict, la région des roches échauffées ne se trouve pas à une grande profondeur.

Je remonte la vallée jusqu’au point habité le plus éloigné. Un peu au-dessus de ce point, la vallée de Cachapual se divise en deux ravins extrêmement profonds qui pénètrent directement dans la chaîne principale. Je fais l’ascension d’une montagne en forme de pic, qui a probablement plus de 6000 pieds de hauteur. Là, comme partout ailleurs dans ce pays, on se trouve en présence de scènes qui offrent le plus profond intérêt. C’est par l’un de ces ravins que Pincheira pénétra dans le Chili pour ravager toute la contrée avoisinante. C’est ce même individu qui attaqua une estancia sur les bords du rio Negro, attaque dont j’ai déjà parlé. Pincheira est un Espagnol renégat de demi-caste, qui rassembla une grande troupe d’Indiens et s’établit sur le bord d’une rivière dans les Pampas, établissement que n’ont jamais pu découvrir les troupes envoyées à sa poursuite. Il part de ce point et, traversant les Cordillères par des passages inconnus, il vient ravager les fermes, s’empare des troupeaux et les conduit à son habitation secrète. Pincheira est un écuyer de premier ordre, ainsi que tous ses compagnons d’ailleurs, car il a pour principe invariable de casser la tête à quiconque ne peut pas le suivre. C’est contre ce chef de bandits et quelques autres tribus indiennes errantes que Rosas faisait la guerre d’extermination dont j’ai parlé.

13 septembre. — Nous quittons les bains de Cauquenes, nous regagnons la grande route et nous passons la nuit au rio Claro. De là je me rends à la ville de San Fernando. Avant d’y arriver, le dernier bassin intérieur forme une immense plaine qui s’étend si loin vers le sud, que les pics neigeux des Andes, qui la bornent dans cette direction, paraissent absolument sortir de la mer. San Fernando est situé à 40 lieues de Santiago ; c’est le point sud extrême de mon voyage, car en quittant cette ville nous nous dirigeons vers la côte. Nous passons la nuit aux mines d’or de Yaquil, exploitées par M. Nixon, un Américain qui me rend fort agréables les quatre jours que je passe chez lui. Le lendemain matin nous allons visiter les mines, situées à une distance de quelques lieues, près le sommet d’une haute colline. En chemin, nous apercevons le lac de Tagua-Tagua, célèbre par ses îles flottantes qu’a décrites M. Gay[1]

  1. Annales des sciences naturelles, mars 1833. M. Gay, naturaliste distingué et fort actif, étudiait alors toutes les branches de l’histoire naturelle du Chili.