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CHILI CENTRAL.

Ces îles se composent de liges de plantes mortes enchevêtrées les unes dans les autres ; à la surface poussent d’autres plantes. Ordinairement circulaires, ces îles atteignent une épaisseur de 4 à 6 pieds, dont la plus grande partie est submergée. Selon le côté d’où souffle le vent, elles passent d’un côté à l’autre du lac et transportent souvent des chevaux et des bestiaux en guise de passagers.

La pâleur de la plupart des mineurs me frappe à tel point, que je m’inquiète de leur état de santé auprès de M. Nixon. La mine a 450 pieds (135 mètres) de profondeur et chaque homme remonte à la surface 200 livres (90 kilogrammes) pesant de pierres. Avec cette charge sur les épaules, le mineur doit grimper à des entailles faites dans des troncs d’arbres disposés en zigzag dans le puits. Des jeunes gens de dix-huit ou vingt ans, nus jusqu’à la ceinture, remontent avec cette charge considérable. Un homme vigoureux, qui n’est pas habitué à ce travail, a fort à faire rien que pour hisser son propre corps et arrive à la surface tout couvert de sueur. Malgré ce travail si dur, ils se nourrissent exclusivement de fèves bouillies et de pain. Ils préféreraient le pain sec, mais leurs maîtres, s’apercevant que cet aliment seul ne leur permet pas un travail aussi soutenu, les traitent comme des chevaux et les forcent à manger les fèves. Ils gagnent un peu plus qu’aux mines de Jajuel ; on leur donne de 30 à 38 francs par mois. Ils ne quittent la mine qu’une fois toutes les trois semaines ; ils peuvent alors passer deux jours chez eux. Un des règlements de la mine m’a paru bien sévère, mais le propriétaire s’en loue beaucoup. Le seul moyen de voler de l’or est de cacher un morceau de minerai et de l’emporter quand l’occasion se présente ; or, si le surveillant trouve un morceau de minerai caché, on en calcule la valeur et on retient cette valeur entière sur les gages de chacun des ouvriers employés dans la mine. À moins d’être tous d’accord, ils sont donc obligés de se surveiller les uns les autres.

On transporte le minerai au moulin, où on le réduit en poudre impalpable ; le lavage enlève toutes les parties légères de cette poudre et l’amalgamation finit par s’emparer de toute la poudre d’or. Un lavage paraît un procédé fort simple ; il n’en est pas moins fort admirable de voir comment l’adaptation exacte de la force du courant d’eau à la gravité spécifique de l’or sépare le métal de la matrice réduite en poudre, qui le tenait enfermé. Le fluide boueux qui sort des moulins se réunit dans des réservoirs, où on le laisse reposer, puis on étanche l’eau, on enlève le dépôt et on le dispose