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CONFERVES ET INFUSOIRES MARINS.

à cette mer[1]. Le nombre de ces plantules doit être infini ; notre vaisseau en traversa plusieurs bandes, dont l’une avait environ 10 mètres de largeur et qui, à en juger par la décoloration de l’eau, devait avoir au moins 2 milles et demi de longueur. On parle de ces conferves dans presque tous les longs voyages. Elles semblent fort communes surtout dans les mers qui avoisinent l’Australie, et au large du cap Leeuwin j’observai une espèce voisine, mais plus petite et évidemment différente. Le capitaine Cook, dans son troisième voyage, remarque que les matelots donnent à ces végétaux le nom de sciure de mer.

Auprès de Keeling-Atoll, dans l’océan Indien, j’observai de nombreuses petites masses de conferves ayant quelques pouces carrés, consistant en longs fils cylindriques fort minces, si minces même, qu’à peine pouvait-on les distinguer à l’œil nu, mélangés à d’autres corps un peu plus grands, admirablement coniques à leurs deux extrémités. La gravure ci-contre représente deux de ces corps unis ensemble. Leur longueur varie entre quatre et six centièmes de pouce, leur diamètre entre six et huit millièmes de pouce. On peut ordinairement distinguer près de l’une des extrémités de la partie cylindrique un septum vert composé de matière granuleuse plus épaisse au milieu. C’est là, je crois, ce qui constitue le fond d’un sac incolore, fort délicat, composé d’une substance pulpeuse, sac qui occupe l’intérieur du fourreau, mais qui ne s’étend point jusque dans les pointes coniques extrêmes. Dans quelques spécimens, des sphères petites, mais admirablement régulières, de substance granuleuse brunâtre, remplacent les septa, et je pus observer la nature des transformations qui les produisent. La matière pulpeuse du revêtement intérieur se groupe tout à coup en lignes qui semblent radier d’un centre commun ; cette matière continue à se contracter avec un mouvement rapide, irrégulier, de telle sorte qu’au bout d’une seconde le tout dévient une petite sphère parfaite qui occupe la position du septum à une des extrémités du fourreau, absolument vide dans toutes ses autres parties. Toute lésion accidentelle accélère la formation de la sphère granuleuse. Je puis ajouter qu’un couple de ces corps se rencontrent fréquemment attachés l’un à l’autre, cône contre cône, par l’extrémité où se trouve le septum.

  1. M. Montagne, Comptes rendus, etc., juillet 1844, et Annales des sciences nat., déc. 1844.