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CHILOÉ.

attentivement. Ces oiseaux dégoûtants, à la tête dénudée et écarlate, bien faite pour se plonger avec délices dans la charogne, abondent sur la côte occidentale, et le soin avec lequel ils surveillent les phoques indique ce sur quoi ils comptent pour leur nourriture. L’eau, mais probablement seulement à la surface, est presque douce ; cela provient du grand nombre de torrents qui, sous forme de cascades, se précipitent dans la mer du haut des montagnes de granite. L’eau douce attire les poissons et ceux-ci attirent à leur tour un grand nombre de sternes, de goélands et deux espèces de cormorans. Nous voyons aussi un couple de magnifiques cygnes à cou noir et plusieurs de ces petites loutres, dont la fourrure est si estimée. À notre retour, nous nous amusons beaucoup à voir des centaines de phoques jeunes et vieux se précipiter impétueusement dans la mer à mesure que passe notre canot. Ils ne restent pas longtemps sous l’eau, ils reviennent presque immédiatement à la surface et nous suivent le cou tendu en donnant tous les signes de la plus profonde surprise.

7. — Après avoir relevé toute la côte, nous jetons l’ancre près de l’extrémité septentrionale de l’archipel des Chonos, dans le port de Low ; nous y restons une semaine. Ces îles, tout comme celle de Chiloé, se composent de couches stratifiées fort molles, et la végétation y est admirable. Les bois s’avancent jusque dans la mer. Du point où nous sommes à l’ancre, nous apercevons les quatre grands cônes neigeux de la Cordillère, y compris « el famoso Corcovado » ; mais dans cette latitude, la chaîne elle-même a si peu d’élévation, qu’à peine pouvons-nous apercevoir quelques crêtes au-dessus des îlots voisins. Nous trouvons ici un groupe de cinq hommes de Caylen, « el fin del Cristiandad », qui, pour venir pêcher dans ces parages, se sont aventurés à traverser dans leur misérable canot l’immense bras de mer qui sépare Chonos de Chiloé. Très-probablement, ces îles se peupleront bientôt comme se sont peuplées celles qui avoisinent la côte de Chiloé.


La pomme de terre sauvage pousse abondamment dans ces îles dans le sol sablonneux plein de coquillages, sur le bord de la mer. Le plant le plus élevé que j’aie vu avait 4 pieds de haut. Les tubercules sont ordinairement petits ; j’en ai trouvé quelques-uns, cependant, de forme ovale, qui avaient 2 pouces de diamètre ; ils ressemblent sous tous les rapports aux pommes de terre anglaises et ont la même saveur ; mais quand on les fait bouillir, ils se réduisent beaucoup et ont un goût aqueux et insipide, mais sans amertume. Il