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ORNITHOLOGIE.

térisée, bien qu’il y ait beaucoup de marécages ; aux îles Chonos, au contraire, 3 degrés plus au sud, nous venons de voir qu’elle existe en abondance. Sur la côte orientale, dans la province de la Plata, par 35 degrés de latitude, un résident espagnol, qui avait visité l’Irlande, m’a dit qu’il avait souvent cherché cette substance, mais sans pouvoir la trouver. Il me montra, comme ce qu’il avait découvert de plus analogue, un terreau noir tourbeux, si parfaitement plein de racines, qu’il brûlait lentement, mais imparfaitement.

Bien entendu, la zoologie de ces petits îlots qui constituent l’archipel des Chonos est extrêmement pauvre. Deux espèces de quadrupèdes aquatiques sont assez communes : le Myopotamus coypus (espèce de castor, mais à la queue ronde), dont la belle fourrure bien connue donne lieu à un commerce considérable dans tout le bassin de la Plata. Mais ici il fréquente exclusivement l’eau salée ; nous avons vu que le grand rongeur, le Capybara, en fait quelquefois autant. Une petite loutre de mer est aussi fort abondante ; cet animal ne se nourrit pas exclusivement de poissons, mais, comme les phoques, pourchasse un petit crabe rouge qui va par troupes près de la surface de l’eau. M. Bynoe a vu à la Terre de Feu une de ces loutres en train de dévorer une seiche ; au port de Low nous en avons tué une autre qui emportait dans son trou un gros coquillage. Dans un endroit, j’ai pris dans un piège une singulière petite souris (M. brachiotis) ; elle paraît commune sur plusieurs des îlots, mais les habitants de Chiloé, au port de Low, m’ont dit n’en avoir jamais vu sur cette île. Quelle série de hasards[1] ou quels changements de niveau ont dû se produire pour que ces petits animaux se soient répandus dans cet archipel si profondément déchiqueté !

On trouve dans toutes les parties de Chiloé et des Chonos deux oiseaux fort étranges, alliés au Turco et au Tapacolo du Chili central, et qui les remplacent dans ces îles. Les habitants appellent un de ces oiseaux le Cheucau (Pteroptochos rubecula) ; il fréquente les endroits les plus sombres et les plus retirés des forêts humides. Quelquefois on entend le cri du cheucau à deux pas de soi ; mais

  1. On dit que quelques oiseaux de proie emportent dans leurs nids leurs victimes encore vivantes. S’il en est ainsi, quelques animaux auront pu, de temps en temps, dans le cours des siècles, échapper à de jeunes oiseaux. On est forcé d’invoquer les causes de cette nature pour expliquer la présence des petits rougeurs sur des îles assez distantes les unes des autres.